Le Val des Ombres
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 Au pays des taupes. [Margareth]

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Magdala Sheol
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MessageSujet: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptySam 12 Avr - 21:32


Droite comme un I dans l’ascenseur qui amenait au sous-sol de du riche hôtel, repère des vilains pas beaux les moins pas beaux de la création, Magdala ne faisait pas mentir sa réputation de créature apathique et sans passion. Quoiqu’elle eut plus l’air blasé qu’autre chose, elle tenait un dossier sous un bras qu’elle avait presque fini de traiter : encore une démarche laborieuse pour mettre sous la coupe du Val des Ombres quelques malfaiteurs rédhibitoires. Le point positif était que son travail lui prenait assez de temps pour qu’elle ne s’ennuie pas, l’inconvénient était qu’une seconde était largement suffisante pour qu’elle pousse un soupir à fendre le cœur.

Soupir qu’elle se forçait à exhaler, afin de mettre une manifestation physique sur son idée. Son idée, pas son sentiment. Elle était bien loin de Caliban Leviaz, et cela lui manquait d’un certain côté : sachant que son (Mal)Saint Patron possédait une collection de membres humains des plus exemplaires, elle avait envie de la voir. Juste envie. Mais quand il s’agit de votre pêché, il y a des jours où cette impulsion devient problématique. Magdala n’était cependant pas à un stade où elle perdrait le contrôle d’elle-même, son indifférence profonde la tenait bridée, et quant à son désir acide, il se profilait à l’horizon, il devenait un but lointain, d’autant plus beau qu’il flirtait avec l’impossibilité supposée de son assouvissement. Et cela était le plus important : sitôt satisfait, sitôt oublié. Le peu de plaisir qu’elle pouvait ressentir, c’était quand elle ne réalisait pas entièrement ses désirs.
L’absence de son Boss même ne lui procurait pas de sensations désagréables et particulières : elle travaillait pour lui, elle servait son projet, son œuvre, voilà ce qui ravissait son âme malade.

L’ascenseur s’ouvrit sur un ravissant petit salon : il y avait un canapé en particulier dont elle épousait régulièrement les contours pour finir d’analyser quelques documents. Petit rituel qui ponctuait son existence. Rouge au départ, elle l’avait teint en violet une nuit où elle s’était réveillée deux heures trop tôt : elle avait alors décidé d’employer ce temps à une activité lucrative.

Elle s’y laissa tomber, avec nonchalance, les yeux clos, s’imaginant un instant chuter au fond d’un gouffre. Son esprit était bien vagabond, et ses traits prirent les plis de la réflexion : elle signifiait qu’elle allait se mettre au travail. Il était neuf heures passé, elle n’avait pas encore pris la peine de se restaurer, mais elle n’avait pas faim.
Jambes croisées, elle avait l’air d’une femme d’affaire mal fagotée, sa longue robe noire faisait d’elle une fée sombre, et d’un conte de fée d’une contrée pauvre et sans soleil, ce qui contrastait avec le luxe et la luminosité des lieux, mais elle n’en avait cure.

N'empêche, il était fort dommage que leur repaire soit aussi éclairé, elle aurait bien aimé évoluer dans le noir comme dans un gouffre... Qu'importe.
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Margaret Leviaz
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyLun 14 Avr - 1:33

Margaret Leviaz poussa un profond soupir agacé et fit claquer la porte de ses appartements privés derrière elle, en un bruit sec qui se répercuta le long du couloir. Par habitude, elle fit tourner machinalement la clé dans la serrure, et la glissa dans sa poche. Dans son autre main, elle tenait son téléphone portable. Qu’elle aurait bien aimé balancer contre le mur. Juste pour le plaisir de le voir se briser en morceaux et retomber à ses pieds… Elle avait l’intime conviction que cela aurait au moins le mérite de calmer ses nerfs. Mais non… Elle rangea l’appareil dans son autre poche, et il échappa à une fin tragique.

Pour que la femme soit dans un tel état d’énervement après un coup de téléphone, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. Elle devait être en conversation avec son époux… Enfin, « conversation », le terme était sans doute un peu fort. Dispute, serait sans doute plus réaliste. Pourquoi ne parvenait-elle jamais à garder son calme, lorsqu’elle parlait à Caliban ? C’était plus fort qu’elle. Il fallait que quelque chose, dans ce qu’il lui disait, la rendît hystérique. Elle secoua doucement la tête de droite à gauche, comme si elle espérait, par ce simple mouvement, remettre de l’ordre dans ses idées, et calmer sa rancœur. Son angoisse, plus précisément… Car c’était à sa fille, qu’elle songeait, plus encore qu’à son mari. Sa fille, si loin d’elle… Sa fille, au milieu de ces fous furieux. Comment avait-elle pu la laisser là-bas ?

Son père ne la protègerait pas. Il était le plus fou de tous ceux qui résidaient au Val. Maggie le savait… Tout comme elle savait avoir commis une erreur en acceptant ce rôle qu’il lui avait confié. Mais il était trop tard, à présent. Elle pouvait encore veiller sur eux, ici… A sa manière. La dirigeante des Factions crispa les poings, puis se dirigea le long du couloir, chassant de son esprit sa conversation téléphonique, pour analyser en toute objectivité ce qu’elle avait encore à faire. Son esprit classait, notait, modifiait, ordonnait toutes les tâches qui l’attendaient… Et cette soudaine activité cérébrale, dénuée de tout sentiment parasite lui fit un bien fou. Elle se permit même un sourire, soulagée de ne plus ressentir la moindre once de colère, en pénétrant dans le salon. Son ventre, en revanche, commençait à lui réclamer quelque chose à manger. Elle l’ignora pour un temps, découvrant la Responsable de la F.D. installée dans le canapé au milieu de la pièce.

Margaret marqua un temps d’arrêt, posant son regard bleu sombre sur le visage de la jeune femme, et sentit un frisson caractéristique lui parcourir l’échine. Elle n’avait rien de spéciale contre Magdala, bien sûr… Mais c’était toujours l’impression que la jeune femme créait sur elle, par sa simple présence. Une sensation de malaise passager, qui s’évapora tout aussi rapidement qu’il était apparu. La femme de Caliban fit quelques pas de plus dans la pièce, et hocha la tête en direction de Magdala, en guise de salut.


- Bonjour.

Les cheveux blonds ambrés de la femme retombèrent doucement le long de ses épaules, battant timidement sur ses hanches, tandis qu’elle s’approchait encore, pour venir s’asseoir –ou se laisser tomber, plus exactement – dans le canapé, à une distance raisonnable de Magdala. Elle lui offrit un sourire sincère et fatigué, qui la fit ressembler à une adolescente perdue au milieu de quelque chose qui la dépassait…

Mais l’instant d’après, son regard glissa sur les dossiers que Magdala étudiait, et le visage de Maggie redevint celui qui prouvait à quel point Caliban avait eu raison de lui confier la direction des Factions. Le visage sérieux, calculateur, réfléchi et qui ne connaissait nulle hésitation. Celui d’un chef, tout simplement. Et celui qu’elle ne voulait pas avoir… Peut-être était-elle la seule à pouvoir assumer toutes ses responsabilités… mais par instant, elle ne le voulait pas. Elle ne l’avait jamais voulu… C’était sa fille, qu’elle voulait.

Margaret poussa un vague soupir incompréhensible, puis arqua un sourcil, tout en redressant vers son interlocutrice un regard purement interrogateur :


- Où en êtes-vous ? Y a-t-il du nouveau, quelque chose que je devrais savoir ?


Elle cligna des yeux et se redressa, abandonnant quelque peu sa posture affalée, prête à se remettre vaguement au travail. Notamment pour se changer les idées. Même au sein des quartiers généraux des Factions, Margaret arborait son éternelle tenue de « voleuse », une combinaison d’un noir de geais qui épousait chaque relief de son corps avec précision. Ses mouvements n’en étaient rendus que plus agiles, et plus félins.

Maggie tenta un second sourire, sans bien savoir comment se comporter avec la jeune femme… Pour être tout à fait sincère, elle la rendait vaguement inquiète… tout en sachant parfaitement qu’elle pouvait avoir confiance en sa loyauté. Un petit peu contradictoire, cette histoire… Et puisque Maggie était plus humaine que chef froidement analytique, elle ajouta, après un vague instant d’hésitation :


- J’ai une petite faim… Vous voulez partager mon repas ?

C’était vrai, son ventre commençait à crier famine plus qu’elle ne l’avait pensé au départ… Et quitte à travailler d’arrache-pied, autant que cela soit dans de bonnes conditions, et donc conséquemment, en face d’un bon repas. Et puis… peut-être l’occasion lui était-elle donnée de mieux cerner celle qui dirigeait une des Factions, qui avait donc la confiance de son mari… mais dont elle ne connaissait pas grand-chose.
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Magdala Sheol
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyLun 14 Avr - 22:24


Quand sa supérieur entra dans la pièce, Magdala était encore plongée dans son petit dossier qu'elle parcourait d'une plume légère, ses yeux la suivant de près, pour basculer de mot en mot, et de ligne en ligne, elle lisait ses yeux à demi-clos comme rêveurs, et pourtant elle avait la concentration d'un huissier qui se trouve sur une affaire juteuse. Elle entendit sa patronne venir, mais ne releva la tête que lorsqu'elle la salua : c'était son habitude, elle considérait qu'elle n'avait pas d'existence vis à vis de son interlocuteur jusqu'à ce qu'il lui adresse la parole pour requérir son attention. A partir de ce moment là, elle prenait vie et pouvait intéragir avec le nouvel arrivant. Aussi répondit-elle à Margareth en hochant mollement la tête :


"Bonjour, Mrs Leviaz."

Ce nom, dans la bouche de Magdala, avait une portée honorifique. Margareth Leviaz, épouse de Caliban, ne pouvait être qu'une femme de talent et propre à inspirer le respect. Parce qu'Il l'avait épousée, parce qu'Il avait eu d'elle sa digne fille, parce qu'enfin il avait accepté qu'elle contrôle les factions. L'admiration, ou la passion tout morbide, de Magdala envers le directeur de l'Ecole du Flux ne se plaçait pas sur le domaine de l'amour, elle ne connaissait donc pas la jalousie envers les femmes qu'il avait aimés, ne serait-ce que physiquement. Il était tout naturel que Sir Caliban comble les désirs de son corps et de son coeur.
Et Magdala avait la sensation que Margaret possédait quelque chose de... spécial comparé aux autres. Il y avait une force dans cette femme qu'elle était incapable de comprendre, cette force était celle de Démeter, armée d'un flambeau dans la nuit noire, à la recherche de sa fille Perséphone, perdue aux Enfers sous la coupe d'Hadès. Mais Magdala n'avait pas eu l'amour de sa mère, elle ne l'avait pas aimée non plus. Du coup cette puissance qui animait l'âme de sa supérieure demeurait un mystère complet pour elle.

Magdala observait Margareth avec ses grands yeux sans vie, clignant à intervalle régulier pour humidifier sa pupille baignée de violet. Elle tourna une page de son calepin et reprit la parole d'un ton monocorde :


"Enrico Lopez, ce commissaire dont nous soutirons des informations, a eu quelques problèmes avec sa conscience récemment. Il a manifesté l'envie de se retirer de nos activités. Mais quelques photos mettant en évidence sa fille rentrant de son cours de danse tard dans la soirée dans une rue déserte lui ont remis les idées en place. Il est de nouveau dans le chemin tordu."

Mais sitôt qu'elle avait dit cela, elle ajouta :

"Mais j'ai préféré mettre en place un contre-mouchard dans son secteur, la vie de son enfant ne me parait pas être une garantie suffisante. Lui peut s'en contenter, pas nous."

C'était là l'un de ses principaux défauts, mais il ouvrait sur une qualité appréciable : la prudence. Elle ne prenait jamais assez de précautions avec ses indic'. Elle se méfiait de la nature humaine, surtout qu'elle n'était pas en mesure de la saisir dans toute sa versatilité. Elle finit par refermer son tas de feuilles :

"A part cela, tout semble en ordre : les autres pions sont rodés et bien placés."

Magdala avait peu de qualité franchement humaine, mais elle savait se montrer calme et courtoise avec les gens qui le méritaient. Son visage, incapable de sourire, prit une attitude paisible pour répondre à Margareth qui lui proposer de manger avec elle. Elle n'aurait pas refusé comme elle ne refuserait pas une mission.

"Oui, Mrs Leviaz."

Elle devenait loquace quand il était nécessaire qu'elle fournisse des explications, mais lorsque la question se contentait d'un mot à une syllabe, elle ne développait pas davantage sa phrase, elle restait quelqu'un de très laconique.
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Margaret Leviaz
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyMer 16 Avr - 11:31

Margaret ne put s’en empêcher. Elle esquissa une faible grimace dérangée lorsqu’elle entendit la jeune femme à qui elle s’était adressée lui répondre par un salut des plus simples, certes, mais dont le contenu l’ennuyait un peu. D’accord, Magdala aurait pu faire pire… Du genre « Patron », ou « Maîtresse », un truc dans ce style… Mais bon… Maggie avait même beaucoup de mal à se faire au simple « Mrs Leviaz ». Alors que c’était pourtant bien son nom, n’est-ce pas ? Un titre tout simple dont on l’affublait à longueur de journée… Mrs Leviaz par-ci, Mrs Leviaz par-là… avec cette nuance de respect qui avait le don de la mettre sur les nerfs.

Pourquoi ? Elle ne le savait pas très bien elle-même… La réalité était pourtant bien là : c’était elle l’autorité, ici. Il était donc normal qu’elle reçoive le respect de ses subalternes. Et puis, Mrs Leviaz, c’était encore bien neutre, après tout… Mais voilà, elle ne supportait que mal de l’entendre, pour la pure et bonne raison qu’elle ne se sentait plus tout à fait Mrs Leviaz. Ce nom-là lui semblait lointain, comme ressurgissant d’un lointain passé, révolu à jamais… si heureux, pourtant. Sa fille portait ce nom, également… Leviaz… Peut-être était-ce encore la seule chose qui les liait, maintenant qu’elle l’avait abandonnée. Comment avait-elle pu se résoudre à une chose pareille ?

Margaret cligna des yeux. Chaque fois c’était la même chose… Le moindre petit détail, si infime pourtant, la ramenait à songer à cette petite Nix qu’elle n’avait pas vu grandir aussi bien qu’elle l’aurait voulu. Cette fille, si loin… plus loin encore que l’espace physique qui se déroulait entre elles. Elle lui manquait terriblement… Mais ce n’était pas le moment d’y songer. Elle aurait préféré qu’il n’y ait jamais d’instant pour penser à sa terrible erreur, une fois de plus.

Bien. La voix de Magdala… C’était sur elle qu’il fallait se concentrer. Pas si facile, pourtant… Elle avait ce ton étrange et monocorde qui donnait l’impression qu’elle ne comprenait pas elle-même les mots qu’elle prononçait les uns à la suite des autres. Margaret tourna la tête vers elle pour observer un instant son visage, puis détourner son regard d’azur, mal à l’aise face aux pupilles baignées de violet de son interlocutrice. Alors elle baissa la tête en direction du calepin de la jeune femme, faisant mine d’y porter un intérêt quelconque.

… qui fut de courte durée, cependant, puisque Magdala décida de fermer son tas de feuille en arrivant à la conclusion. Conclusion qui était plutôt intéressante, puisqu’elle signifiait qu’il n’y avait pas trop de travail de ce côté-ci. Tant mieux… En revanche, Margaret n’appréciait que modérément – voir même pas du tout – les manières expéditives de la F.D. Manières sans doute infiniment pratiques, mais… Voilà. Maggie restait Maggie. Et l’évocation de l’inconnue, fille de ce dénommé Enrico Lopez, lui fit naître un léger frisson dans le dos.

Comment réagirait-elle, si elle apprenait, comme cet homme, que sa fille était en danger ? Margaret eut une moue si ironique qu’elle en fut presque douloureuse… La réponse était évidente. Sa fille était toujours en danger… Toujours, tant qu’elle ne côtoierait personne d’autre que son dément de père, et toute sa troupe de fous furieux adeptes du sang et de la mort. La femme ferma les yeux, et s’entendit murmurer en réponse :


- Bien, très bien…

Conclusion fortement démentie par le ton douteux de sa voix. Elle se redressa, ramassa machinalement ses cheveux d’ambre au-dessus de sa nuque, pour les y fixer négligemment, puis se força à adresser un nouveau regard chaleureux en direction de la jeune femme, pour ajouter :

- Je reviens tout de suite.

Elle accompagna sa déclaration d’un petit sourire étrangement innocent, puis s’éclipsa du salon, pour revenir seulement quelques minutes plus tard, tenant un plateau de ses deux mains, sur lequel trônait un repas qu’on aurait pu difficilement qualifier de diététique, vu le paquet de chips, les parts de pizza et les boissons sucrées… Margaret déposa fièrement le tout sur la table basse du salon, juste devant le canapé, et commenta simplement, avec un bref haussement d’épaule :

- J’ai une faim de loup.

Ce qui était affreusement vrai, vu les bruits étranges qui émanaient de son estomac. Elle sourit encore, puis fit un geste à Magdala, comme pour l’inviter à se servir sans plus faire de manière. Maggie elle-même se saisit d’un verre qu’elle vida de moitié, avant de souligner enfin ce qui la dérangeait, dans le rapport de son interlocutrice :

- Pour en revenir à ce que nous disions… Excellente initiative, cette idée de contre-mouchard dans le secteur de « l’hésitant ». J’aime cet excès de zèle, nous n’avons que rarement droit à l’erreur… En revanche, il y a une chose que voudrait préciser…

Ses iris d’un bleu si sombre et tourmenté se redressèrent vers le visage de Magdala, et une lueur de détermination y brilla… de celles qui trahissent d’un caractère bien trempé. Têtu et intransigeant.

- Les menaces, je n’ai absolument rien contre, si cela peut servir à nos intérêts… Mais il est évidemment à exclure l’hypothèse de les mettre à exécution, que ce soit pour l’exemple, ou pour justifier une trahison. Il ne sera fait aucun mal à la fille de cet homme. Est-ce clair ?

On ne pouvait que difficilement l’être d’avantage. Margaret n’éprouvait que de la compassion pour un homme qui n’agissait pas de façon si différente qu’elle. Combien de fois s’était-elle laissée aller à la pensée de quitter cet endroit, ces Factions dont elle était la source et les ordres ?… Elle était dans une cage. Et elle s’y était enfermée elle-même. Pas plus que cet homme qui craignait pour sa fille, elle ne pouvait en sortir…

Margaret poussa un imperceptible soupir, et reprit doucement, parlant autant à elle-même qu’à la jeune femme qui lui faisait face :


- Je sais que mon mari ne serait pas forcément de cet avis… Mais il n’est pas ici pour me le prouver.

Etait-ce un regret, ou un soulagement, qui transparut dans sa voix ? Difficile à dire…
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Magdala Sheol
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyVen 18 Avr - 14:41

Elle n’eut pas l’air étonné des propos de Margareth, et elle répondit en acquiesçant :

"Il va sans dire que le meurtre effectif de l’enfant n’était pas prévu : ce serait une grosse erreur tactique. Il s’agit de sa fille unique, si nous l’en privons, il pourrait considérer qu’il n’a plus rien à perdre, et en cela il deviendrait un homme infiniment plus dangereux."

Bien entendu, Magdala n’y avait vu que le côté tactique. Mais la façon dont Margareth avait prononcé ces mots, les tournures même de sa phrase, et le fait que son mari ne serait pas de son avis, suggéra à Magdala qu’elle ne se plaçait pas sur le même plan que sa supérieure. Ne pas la tuer… parce qu’on ne tue pas les enfants ? Idée étrange. Magdala savait qu’on ne pouvait tuer quand la mort apporte plus de préjudice que de profit, elle savait aussi que d’autres ne tuaient pas pour des raisons morales et/ou sentimentales qu’elle n’était pas à même de saisir. Mais elle n’était pas du genre à déprécier ce qu’elle ne comprenait pas, ces choses-là existaient et elles existeraient quoiqu’elle pense. « Faîtes le mal et faîtes-le bien » était la devise de l’Ecole du Flux. Et dans la logique de Magdala, il était tout à fait logique qu’il y ait des gens qui fassent le Bien pour que les infectés puissent faire le Mal. Sinon, où serait leur mérite ?

La phrase sur son mari sonnait comme une sorte de légitimation, les absents ont toujours tort, dit-on.


"Vous n’avez pas à justifier votre propos. Vous commandez ici, avec l’autorisation de Mr Caliban Leviaz, aucun de vos subalternes ne sauraient contester vos ordres."

Elle prit une part de pizza et y mordit légèrement, elle mangeait toujours très lentement, surtout quand la nourriture lui semblait grâce. Même si elle voulait ménager son alimentation pour conserver un teint palot et une mine rachitique, elle n’en était pas à se faire vomir parce qu’elle avait dépassé la dose prescrite.

"Ceci dit…"

Commença-t-elle en ramenant son regard sans vie sur sa patronne.

"J’ai l’impression que ce n’est pas pour les mêmes raisons que moi que vous souhaitez épargner la vie de son enfant. Vous n’êtes pas comme les autres Infectés."


Il n’y avait pas de reproches, ni même une volonté de juger, dans sa voix, c’était un simple constat.


"A l’Ecole du Flux, j’ai souvent eu l’impression d’être entourée de prédateurs… Je ne me sentais pas particulièrement en phase avec tous, mais j’y étais « bien », je suis un charognard. Mais vous, vous n’êtes pas telle… Et bien que je ne sache pas exactement comment vous cerner je procède par élimination : vous n’êtes pas une créature de destruction, vous ne bâtissez pas votre empire sur la souffrance d’autrui… Ainsi, je pense que vous êtes humaine."

Elle reprit une bouchée de sa pizza pour ajouter sans plus de conviction dans le ton :

"Mais je peux très bien me tromper. "

Cela ne signifiait pas grande chose pour elle, mise à part peut-être que Margareth était pour le Val des Ombres la lumière nécessaire pour faire ressortir les ténèbres ? En outre, Magdala n’était pas très performante pour percer les émotions des gens, mise à part lorsqu’elle devait exercer une pression sur eux. Alors c’était son esprit logique et tactique qui reprenait toutes les configurations qu’elle avait pu voir autour d’elle pour se dire « Tiens, cet homme cache son alliance quand je le menace, il doit tenir à sa femme… » « Ses yeux se remplissent de pleurs, elle a peur… » « Regard fuyant, on me ment… » Cela constituait souvent un grand lot d’informations à traiter dans la foulée, mais elle s’activait et procédait avec la froideur d’un ordinateur, aussi y parvenait-elle. Mais Margareth n’était pas une personne qu’elle devait maîtriser, elle ne faisait donc pas appel à son sens aiguë de l’analyse, elle se contentait de l’appréhender avec son intuition première, presque naïve, celle de l'enfant en elle qui n'avait pas grandi, une petite fille cruelle car malade, incapable de distinguer le bon du mauvais, et les mélangeant dans une horrible cacophonie.
Magdala n’était cependant pas dénuée de tout sentiment, elle ressentait des sensations confuses au fond d’elle qui lui donnait la volonté de se mouvoir : l’Envie qui la berçait et qui lui conférait des buts.
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Margaret Leviaz
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptySam 19 Avr - 23:28

Margaret tiqua légèrement, posant sur le visage de sa froide interlocutrice un regard vaguement déstabilisé. Magdala venait d’expliquer selon elle, la raison qui prouvait qu’il était hors de question d’attenter à la vie de la fillette. Une raison de pure logique, froide et calculatrice. Maggie se sentit mal à l’aise, mais ne trouva rien à répliquer à cela… C’était tellement… vrai. Il n’y avait rien de plus à ajouter. Alors elle observa la jeune femme, les battements de son cœur s’accélérant légèrement, sans qu’elle ne pût en comprendre la raison. Elle aurait dû avoir l’habitude, n’est-ce pas ? Après tout, ce n’était pas la première fois qu’elle était confrontée aux raisonnements cruellement pragmatiques de la dirigeante de la F.D. Et au fond… ce malaise qu’elle ressentait envers Magdala n’avait rien à voir avec une quelconque antipathie. Au contraire. Cela ressemblait à une sorte de compassion pour une jeune femme perdue entre les notions confuses de Bien et de Mal. Elle aurait voulu l’aider…

… Elle voulait aider tellement de gens… Et au final, arrivait-elle seulement à quelque chose ? Cette question n’eut pas le temps de trouver de réponse, dans l’esprit de Margaret, car la surprise et l’incompréhension la remplacèrent momentanément, sous les paroles qu’elle entendit. Paroles qu’elle eut beaucoup de mal à saisir, dans tout ce qu’elles signifiaient vraiment… Magdala n’avait pas l’air de l’accuser de quoi que ce soit. Aucune émotion réelle ne transparaissait dans sa voix. Comme d’habitude, oui… Elle constatait. Mais c’était ce qu’elle constatait, qui déconcerta Maggie, à tel point qu’elle suspendit la part de pizza qu’elle avait saisie, à quelques centimètres de sa bouche entre ouverte.

Son regard vers le visage de son interlocutrice s’accentua nettement, à la fois hypnotique et hypnotisé. Les mots de la jeune femme avaient quelque chose de presque irréel, tant leur substance était dénuée de… du sens habituel que côtoyait Margaret. Quelqu’un d’humain ? La notion d’humanité, au milieu d’un groupe d’individus qui s’étaient d’eux-mêmes dévoués au mal, et qu’elle dirigeait, était bien trop floue… Une frontière de plus à redéfinir. Non, elle ne se voyait ni plus, ni moins humaine que les autres membres des Factions. Chacun à sa manière, s’approchait d’une certaine humanité… Les uns plus que les autres, sans doute… Mais elle avait foi en chaque être humain. Même en son époux… Tout simplement parce qu’elle ne pouvait pas faire autrement…

Même cette jeune femme en face d’elle, à la pâleur fantomatique, au détachement irréel et aux paroles si curieuses, n’était pas moins pourvue d’humanité qu’elle-même. Peut-être même l’était-elle bien plus… Sans le savoir. Margaret cligna légèrement des yeux, et sembla revenir à la réalité, sentir à nouveau le canapé sur lequel elle s’était assise, et la part de pizza qui commençait à lui tâcher les doigts. Elle la reposa dans une assiette, et tourna la tête vers Magdala, secouant légèrement ses mèches blondes autour de son visage, pour murmurer doucement :


- Je ne crois pas que l’humanité puisse se juger aussi simplement que cela, Magdala…

Son prénom. Pour une raison étrange, elle hésitait parfois à le prononcer, peut-être par peur de l’offenser, par simple politesse ou distance raisonnable qu’elle mettait entre elle et certains de ses subalternes. Mais d’une mystérieuse façon, la jeune femme l’avait touchée sincèrement. Elle lui sourit amicalement, avec cette sorte de regard enveloppant, comme si toute la compréhension du monde pouvait être contenue toute entière dans ces yeux là.

- Il me semble plutôt que nous le sommes tous… Seulement, chacun à notre manière. La mienne est sans doute plus expansive que celles des autres. Elle n’en a pourtant pas davantage de mérite… Si pour vous, être humain, c’est ne pas détruire et faire souffrir les autres pour nos intérêts personnels… Croyez-le, je n’ai pas toujours fait preuve d’humanité.

Margaret baissa la tête, son doux sourire diminuant de moitié, alors que ses yeux se perdaient dans une sorte de vide qu’il n’était permis à personne d’autre de contempler. Un vide de souvenirs douloureux, qui revenaient la hanter sans lui laisser de répit suffisant pour ne plus la faire souffrir autant qu’elle l’aurait voulu. La femme inspira profondément, comme si ce geste simple pouvait chasser la culpabilité qui la rongeait.

Elle laissa s’écouler un bref silence tendu, avant d’ajouter :


- Car si je le pouvais, vous n’imaginez même pas ce que je serais prête à détruire…

Maggie crispa légèrement ses doigts sur ses genoux, puis se laissa retomber un peu plus dans le fond du canapé, dans une attitude qui n’avait plus rien de modéré ou de distant. Elle ferma les yeux, affalée tout simplement, comme épuisée du poids de ses propres pensées. Etait-ce un aveu implicite, qu’elle venait de formuler ? Un souhait irréalisable, et énigmatique, serait plus exact. Elle chassa ses paroles d’un revers de main, et rouvrit les paupières pour toiser à nouveau Magdala. Ses lèvres semblèrent hésiter un court instant, puis elle finit par dire :

- Cela étant… Vous avez raison. Je ne refuse pas la mort de cette enfant pour l’explication pratique – et tout à fait juste – que vous venez d’énoncer… Mais tout simplement parce que je déteste ôter une vie. Il n’y a rien de plus précieux qu’une vie… J’aimerais que mon mari comprenne cela… Et puis… J’ai une fille, moi aussi. Et je m’imagine à la place de cet homme… je ne supporterais pas de la perdre.

La femme cilla, puis glissa ses doigts fins dans ses cheveux ambrés, dans un geste machinal qui trahissait soit d’un certain malaise, soit d’une sorte de mélancolie triste emplie de regrets qui la gagnait soudain. Cela lui arrivait constamment… Voir Margaret Leviaz un sourire amer au coin des lèvres, les yeux fixant le plafond, tout en enroulant une mèche de ses cheveux autour de son index c’était… courant, pour les membres des Factions. Une dirigeante bien originale, en somme.

Mais Maggie n’en oublia pas pour autant qu’elle n’était pas seule. Ni que son interlocutrice avait fait naître en elle une sorte d’intérêt accentué pour cette personnalité si particulière. Alors elle tourna vers Magdala un regard interrogateur, et demanda doucement :


- Vous avez parlé de l’Ecole… De cette Ecole que nous protégeons de notre mieux. Qu’est-elle pour vous ? Que pensez-vous des actions de mon mari ? Je veux dire… cela vous paraît-il… normal, ce qu’il s’y passe ?

Peut-être s’attendait-elle déjà à une réponse de la part de la jeune femme… Une réponse qui ne la surprendrait pas, à vrai dire. Les membres des Factions adulaient, ou approuvaient simplement tout ce qui avait attrait à l’Ecole du Flux. Normal, non, puisqu’ils étaient là pour la faire vivre ? Certes. Mais elle, Margaret Leviaz, Dirigeante de ceux qui assuraient la survie de l’Ecole, rêvait qu’elle disparaisse un jour.
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Magdala Sheol
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyDim 20 Avr - 18:59

Les paroles de Margareth paraissait à ses oreilles d’étranges objets d’analyser. D’autant plus lorsqu’elle capta les sons mélodieux de son propre prénom, qui tintait à cause de la gutturale collée à la dentale, pour finir sur une douce liquide : Mag-da-la… Qui avait donc choisi son prénom ? Sa mère ? Elle ne s’en souvenait plus. Et sur l’instant elle se surprit à le rechercher, la bienveillance de Margareth, sa douceur, avait un effet anesthésiant sur sa raison souveraine, et laissait vaquer le fond de son cœur à la surface encore plane, mais non dénuée d’un fond profond.

Magdala s’entendait à ce qu’elle lui dise que sa conception de l’humanité était quelque peu simpliste : normal puisqu’elle se contentait de dire dans de grandes lignes ce qu’elle n’était pas, et non pas ce qu’elle était. Un peu comme Socrate dans certains dialogues qui répondait toujours par la négative, mais le goût de la négation ne construit pas grand-chose. Bien au contraire, elle était entrée dans une dynamique de destruction, ce que sembla consacrer l’aveu de Margareth : « Car si je le pouvais, vous n’imaginez même pas ce que je serais prête à détruire… »
Par contre, elle ne s'était pas attendue à ce que Margareth lui dise que l'on pouvait trouver de cette humanité en tout en chacun, celui lui parut aussi drôle que de dire que le soleil pouvait briller en pleine nuit...


"Détruire…"


Répéta-t-elle en écho, le regard fixe, elle entrelaça ses doigts et fit tapoter ses index l’un contre l’autre, comme si par ce simple geste, elle faisait monter le courant à son cerveau.
La vie était donc précieuse pour Margareth, et cela Magdala ne pouvait pas tellement le comprendre. Son système de valeur avait été perverti dès le début. Communément, on peut confondre le Beau, le Bien et le Juste : car une belle action ne peut être que bonne et équitable, de même que ce qui est laid peut s’exprimer par la violence et par l’injustice… Mais pour quelqu’un qui à la base a cru dur comme fer que toute la beauté du monde résidait dans un corps sans vie, suintant la mort et la corruption, comment ne pas alors assimiler cette même beauté à tout ce qui est violence, douleur, mort… ? Et à l’inverse, la laideur devient la vie.
Magdala avait bien des limites cedi dit, mais elles étaient dues au bon sens : elle ne souhaitait pas particulièrement mourir, pas encore, car elle savait que lorsque la lumière de ses yeux s’éteindraient, elle n’absorberait plus aucune beauté, et tout serait terminé. Son calme, son flegme, son étrange patience était un accord tacite avec le monde qui l’entoure : Je ne fais pas davantage de vagues que nécessaires, ne m’envoyez pas de tempête fatale.

Puis la conversation dériva, comme une épave, vers l’école du Flux…
Magdala plissa légèrement les yeux quand elle entendit cette question : elle s’était peu à peu mise en situation de réception, et elle avait bu les paroles de Margareth pour s’en imprégner et garnir un peu plus son cœur à la plastique si dure. Elle essayait de comprendre, pour mieux répondre, il ne fallait pas qu’elle se contente de dire : Caliban est maître, il parle, et j’obéis, mais qu’elle retransmettre ce qui c’était passé dans sa tête le jour où, âgée de 12 ans, elle arrivait à l’école du Flux, ce fameux instant où elle avait reçu son pouvoir.
Quelle était la représentation qu’elle se faisait de tout cela ? Elle dut remonter plus loin :


"Moi…"

Dit-elle d’une voix douce, ses lèvres s’entrouvrant presque dans un demi-sourire mais il disparut si vite quand elle continua à parler qu’on pouvait se demander si cela n’avait pas été un pli malheureux de son visage au moment d’ouvrir la bouche.

"Je n’ai pas de fille… Mais j’ai eu une maman."

Le mot « maman » résonna avec un écho particulièrement cristallin, puis sa voix reprit une routine redondante, mais l'on pouvait attendre parfois sa voix se tendre comme fascinée à l'évocation de ces souvenirs :

"Elle était mon idéal de Beauté. Je n’avais jamais rien connu d’autre que ses yeux sans expression, sa position assise de poupée mortuaire, sa peau diaphane, et son silence souverain. Son cœur battait, mais tout le reste était mort. Moi, je passais des heures à la contempler. Mais on n’a pas compris que je ne voulais pas sortir de cette chambre noire. On –les autres, tout le monde- a voulu me changer. Alors que tout ce que je voulais, c’était demeurer telle que la nature m’avait créée. A l’école du Flux…"

Elle pencha sa tête sur le côté, ses yeux se rouvrant comme des fenêtres sur un océan nouveau.

"… On m’a acceptée sans me poser de question… Et puis, je n’avais plus de maman, je n’avais plus de beauté dans le monde. Mr Caliban m’a montrée ce que je n’avais encore jamais vu : il m’a révélé la Force, la Détermination, le Courage… Peut-être qu’il n’est pas comme cela en réalité et que mes yeux d’enfant ont tout déformé… Qu’en sais-je… Mais pour moi, il a crée un monde de toute pièce, et s’il repose cependant sur les pires pêchés de l’humanité, il a au moins le prestige de ne pas être hypocrite. Je la trouve belle, cette école. Transparente jusque dans ses mensonges. C’est anormal, oui, parce que cela sort bien de la norme…"

La norme méprisable qu'elle avait toujours essayait de fuir en se refugiant dans ses ténèbres et le vide de son âme.

" Nous n‘avons qu’une vie, et quoique l’on fasse nous disparaîtrons, ceux qui garderont notre souvenir se volatiliseront aussi, à la fin il n’y aura plus de trace de notre existence : personne ne se souvient de ma mère à part moi, et je commence déjà à perdre les traits de son visage dans ma tête. J’ai l’impression que le seul moyen de m’approprier un petit bout d’éternité est de faire une totale confiance dans les projets de votre époux. Il a la carrure pour, et s’il se trompe, le sublime deviendra le tragique, ce qui ne sera pas moins beau, et j’accepte ce contrat."

Son discours avait un fil directeur tellement ténu qu’il n’était peut-être pas évident de le suivre, mais en somme Magdala n’avait rien d’autre dans son vie que ce que Caliban Leviaz ferait de l’école du Flux.
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Margaret Leviaz
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyMar 22 Avr - 1:25

Face à cette étrange jeune femme, Margaret sentit courir un nouveau frisson le long de sa colonne vertébrale, pour remonter peu à peu jusqu’à sa nuque, la chatouillant d’une manière qui lui parut… à la fois encourageante, et inquiétante. De cette femme, elle ne savait que penser… C’était le flou le plus complet qui l’entourait. Ses traits, son visage, son sourire… tout était pourtant incroyablement net. Terriblement net. Mais Maggie n’avait jamais senti autant de confusion planer autour d’un être. Non… ce n’était peut-être pas de la confusion, après tout. Peut-être se trompait-elle… Ou peut-être était-ce elle, qui se sentait confuse. Confuse de ne pas comprendre ce qu’elle sentait comme terriblement important, soudainement. Y avait-il seulement quelque chose à comprendre ?... Margaret était ainsi. Il y avait cette sorte d’empathie, en elle, qui la poussait à ressentir à la place d’autrui ce qui les torturait, les chagrinait ou leur faisait plaisir… Et lorsqu’elle n’y parvenait pas, elle essayait encore, parce qu’elle savait qu’il y avait quelque chose… Non, quelqu’un à sauver.

Etait-ce donc pour cette raison qu’elle s’était retrouvée ici ? Parce qu’elle avait cru pouvoir sauver son époux… et bien d’autres avec lui ? Non. Elle n’avait pas un si haut opinion d’elle-même. Ce qu’elle faisait, ce n’était jamais consciemment… C’était comme ce genre d’intuition que l’on ne maîtrise pas, qu’on ne voit pas … mais qui guide pourtant chacun de nos gestes, de nos choix, de nos actes… Margaret était démunie, mal à l’aise, impuissante, lorsqu’elle n’avait personne à qui prodiguer un peu de douceur… La douceur. C’était étrange comme une telle qualité pouvait émaner d’une personne aussi colérique et têtue que Mrs Leviaz. C’était cette aura de mère, qui la suivait partout… et qu’elle ne croyait pas seulement posséder. C’était cette aura de mère, justement, qui la fit cligner des yeux lorsque Magdala prononça ce mot… « Maman »…

Margaret entre ouvrit la bouche, sentant son cœur louper quelques battements incontrôlables. Inexorablement, son esprit revenait à cette fille qui l’appelait Maman, elle aussi. Mais pas seulement… De ses yeux d’abysse, elle contempla attentivement son interlocutrice, avec une chaleur et une émotion difficile à saisir. Elle-même ne comprenait pas très bien cette sorte de compassion qui l’enveloppait tout entière, la poussait à sourire… Il y eut une brève seconde durant laquelle elle ressentit le brusque et ridicule besoin de serrer Magdala dans ses bras. Pourquoi ? Parce que, l’espérait-elle, ce geste aurait pu l’aider ? Non, c’était stupide… Stupide, peut-être, mais c’était sa nature… La jeune femme lui parlait de sa mère, de son enfance… lui parlait plus qu’elle n’avait seulement espéré en entendre.

Les lèvres de Maggie tremblèrent légèrement. Ce n’était plus tout à fait de la compassion, qui lui vint petit à petit, au fur et à mesure que les mots de Magdala glissaient paisiblement sur elle, avec une sorte d’effet presque anesthésiant… Ses pensées confuses s’ordonnaient peu à peu, tandis que sous ses yeux se déroulait le raisonnement de la jeune femme, qui dérivait insensiblement vers des notions plus vastes et plus abstraites que l’Ecole du Flux. Oh, oui, bien plus abstraites… C’était comme si… comme si Magdala lui dévoilait plus qu’elle n’aurait dû. Une partie de ce qu’elle était… Maggie se sentit à la fois toute petite, et infiniment reconnaissante d’une confiance qui n’en était peut-être pas une, après tout.

Caliban… C’était aussi de Caliban dont il s’agissait. Etait-ce donc possible qu’un homme plus perdu que quiconque sur terre, puisse sauver tellement de gens, comme Magdala en était devenue soudainement l’exemple ? Elle ne savait plus… Sa rancune, sa désapprobation, sa haine envers l’Ecole du Flux se suspendirent momentanément sous les paroles de la jeune femme… Elle n’avait jamais vu autrement le Val que comme le Mal personnifié. Elle n’avait jamais cru avoir tort… Si elle le protégeait, ce n’était que pour protéger sa famille. Magdala, elle, y croyait, tout simplement… Maggie sentit son cœur se serrer. La jeune femme était sincère avec elle… Devait-elle l’être tout autant ? La Beauté… la Beauté n’avait jamais été si abstraite, entre deux personnes si différentes.

Margaret eut un sourire qui sembla vaguement hésitant, puis poussa un léger soupir, tandis que ses paupières battaient doucement l’air, comme pour chasser quelques larmes invisibles. Non, elle ne pleurait pas… Mais ses yeux brillants étaient le signe évident d’un trouble qu’elle ne masqua pas. Elle aussi, jouait la transparence… Son index tournant machinalement autour d’une mèche de ses cheveux dorés, elle articula doucement :


- La Beauté est le libre-choix de chacun… La mienne ne ressemble pas à la vôtre, mais je crois que je comprends… En un sens… Je l’ai trouvée belle, cette Ecole, autrefois…

C’était la vérité. Avant… oui, bien avant que tout ne dégénère, cette Ecole, elle l’avait crue belle… belle et dangereuse à la fois. Une création de la démence de son époux… Une folie, oui. Mais une folie, qui, elle l’avait cru un instant, l’aurait peut-être sauvé, lui… Voilà pourquoi elle l’avait vue comme la plus belle qui puisse exister. Cela n’avait duré qu’un temps. Un temps si mince qu’il lui sembla n’avoir pas existé… Car cette Ecole ne sauvait pas Caliban… Elle le perdait plus encore. C’était le Léviathan qui le guidait dans ses plans… pas l’homme.

L’homme, Maggie doutait seulement que son interlocutrice l’ait connu… A en juger par ses paroles, cela ne pouvait pas être possible. La Force, la Détermination, le Courage… la création d’un monde… Tout cela, c’était l’œuvre de l’Envie. De l’Envie pure… Elle se rappela alors, comme si elle avait pu avoir oublié ce détail, que Magdala elle-même, était apparenté au péché de l’Envie. Peut-être comprenait-elle mieux, à présent… Elle sourit légèrement, d’une façon bien amère, pourtant. Oui, l’Ecole du Flux était belle… Mais la Beauté avait changée, aux yeux de Margaret. La seule chose digne de cette appellation, à présent… c’était sa fille. Nix, omniprésente dans l’esprit de sa mère… Elle voulut chasser cette image de son esprit, mais ne parvint qu’à la rendre un peu plus lointaine, pour reprendre dans un murmure distant :


- Autrefois, oui… Elle était transparente, vous avez raison. Elle l’est encore, peut-être, je ne le sais plus… Elle était belle, car elle était ce qu’il avait créé… Lui-même… Ce qui pouvait lui faire comprendre qu’il n’était pas juste ce rien, dans l’univers… Une création de l’Envie, pour se construire.

Ses yeux se perdirent à nouveau dans le vide, comme si la signification de ses propres paroles la replongeait des années auparavant. A cette époque de sa vie où les illusions se brisent, où les rêvent sont rattrapés par la réalité. Elle avala difficilement sa salive, puis reporta son intérêt vers un repas qui ne lui parut plus d’aucun intérêt, à présent. Elle avait perdu l’appétit. Sa bouche avait un goût amer. Elle tourna son regard vers Magdala, et reprit :

- Croyez-moi… Votre vision n’a pas été si déformée que cela… C’est la vérité, ce que vous avez vu, dans ce Directeur. Mais vous n’avez pas tout contemplé… Ce Caliban Leviaz qui vous a sauvée… Il y en a deux… Celui qui vous créé un monde, le monstre d’Envie… c’est celui qui l’emporte… Et l’homme, que personne ne voit… celui que j’ai voulu sauver.

Sa voix devint peu à peu tremblante, jusqu’à s’altérer en fin de phrase. Pourquoi disait-elle tout cela ? Elle ne le savait pas elle-même. Elle avait mal, de le penser, mal de se rappeler sa propre défaite, ses propres démons intérieurs… Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher. C’était sans son accord que sa bouche continuait d’articuler des sons, qui formaient de mots, puis des phrases… et des sentiments.

- Mais il y a tant de façons d’être sauvé… Je n’ai pas encore trouvée celle qui y parviendrait réellement… Mais pour ma part, je ne pense pas que l’éternité puisse se saisir ainsi… Oui, nous disparaîtrons tous. Nous, et notre souvenir… C’est le lot des mortels. Mais cette éternité que vous recherchez… Je la vois ailleurs… Dans des instants tout simples, de bonheur éphémère, de satisfaction banale. Dans un sourire peut-être, je ne sais pas… J’en ai eu tellement, autrefois, de ces petits riens… que je ne regrette pas. Ce sont eux, qui me poussent à suivre mon mari…

Devant la vérité affligeante de ses propres dires, elle ferma les paupières, et soupira avec lassitude, avant de conclure, d’une voix qui avait cet accent de dérision douloureux :

- Espoir stupide de les retrouver un jour, sans doute…
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Magdala Sheol
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptySam 26 Avr - 0:36


Magdala venait de terminer l’un des morceaux de pizza. Elle avait mangé à petites bouchées, comme un oiseau qui craint de s’étouffer ou de ne plus pouvoir décoller de sa branche. Et finalement elle reposa sagement ses mains sur ses genoux, les doits liés comme l’entrelacement de la voûte d’une église.


"Ha !"

Poussa-t-elle, et c’était plus une aspiration que la manifestation d’une surprise réelle. Parce qu’elle devait inspirer profondément pour exhaler sa prochaine phrase comme on sort d’un rêve obscur, elle nageait en eau trouble lorsqu’elle écoutait le discours de Margareth, elles étaient sorties pour un temps de le simple courtoisie et du rapport professionnel, leurs paroles s’étaient ancrées comme des tremplins vers les étoiles dans le fond moite et secret de leur cœur, et chaque syllabe diffusait un secret. Un mystère aussi, dans l’esprit de Magdala.

"Le bonheur… Les petits riens de la vie…"

On voyait à son regard qu’elle réfléchissait pour en saisir le sens, et un petit plus se rajouta par rapport au début de leur conversation. Margareth n’agaçait pas Magdala, et pourtant il commençait à poindre une mauvaise lueur dans son regard : l’Envie qui se réveillait. Trop de mots, trop de notions qui lui échappaient, elle en voyait le manque, elle devait le combler, cela l’énervait et remuait le couteau dans son pêché mignon.
Et comme elle n’avait pas l’habitude de se dissimuler, elle avoua le fait :


"C’est fortement irritant, j’en viendrais à être jalouse… Pourquoi ne puis-je pas saisir cela de façon spontanée ? Cela me parait tellement injuste sur le moment, et tellement laid du même coup…"

Mais elle cligna des yeux : tout en parlant elle avait commencé à se masser une tempe en baissant les paupières, comme pour se calmer, et d’un coup elle eut un air à semi-hébété, sa jalousie parut exploser comme une bulle de savon dans l’atmosphère.

"Et à peine cela a commencé, que c’est déjà terminé… Le fait seul de l’avoir désiré m’a soulagée… Mais j’aimerais quand même savoir…"

Ses sourcils prirent le pli de la perplexité, et d’un ton anodin, presque mort, elle s’enquit :

"Qu’est-ce que le bonheur ? Je sais ce qu’est la beauté, parce qu’elle se voit, qu’elle soit matérielle ou pas, elle est là : si elle ne remplit pas les yeux, elle remplit les songes de la nuit. Mais le bonheur est invisible, n’est-ce pas ? "


Cette idée pouvait paraître saugrenue, mais il fallait bien comprendre que la beauté intérieure était visible pour Magdala en tant qu'elle pouvait se retranscrire avec des mots, sources d'images, dans l'esprit. Et que l'opinion que l'on se fait d'une personne transforme bien l'image que l'on s'en fait : en toute chose, la beauté garde un caractère "visuel".

Il y avait eu tellement de « drôles d’idées » à assimiler d’un coup : sa supérieure avait parlé de sauver son époux ? Mais le sauver de quoi ? Et puis il y aurait l’homme et le Monstre d’Envie. Magdala n’avait jamais été capable de voir l’homme, et tout simplement parce qu’elle-même ne vivait pas en tant que femme mais en tant qu’objet pensant. La brutale envie qui s’était emparée d’elle il y a quelques minutes ne revint pas : elle ne pouvait pas avoir autant d’émotions dans la même journée, c’était trop pour sa psyché fracturée.


"J’ai bien parlé aujourd’hui."

Constata-t-elle, et son ton un peu atterré était celui d’une enfant qui remarque qu’elle a taché la moquette du salon.

"Cela m’étonne de moi. Vous m’avez troublée, Mrs Leviaz. Je parle toujours avec transparence –sauf devant un client à berner, le boulot étant le boulot- mais jamais aussi longtemps."

Elle repassa sa main sur sa tempe gauche, comme si elle essayait de remonter le mécanisme de ses idées. Une légère lueur intriguée vrillait ses yeux.
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Margaret Leviaz
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyLun 28 Avr - 0:30

Margaret fronça les sourcils, non pas comme quelqu’un qui pouvait se trouver brusquement sur la défensive, mais simplement avec cette sorte de curiosité empathique et perplexe qui caractérisait une douceur spontanée… Douceur qui avait cependant ses limites. La compréhension qu’elle tentait d’avoir envers une personne aussi énigmatique que Magdala s’accentua encore, bien vainement… La femme, inconsciemment, abaissa cette main qui s’égarait dans ses propres cheveux, et ses doigts vinrent se serrer les uns contre les autres, dans un geste qui parut nerveux. Elle-même, en revanche, ne semblait pas l’être plus que cela… Ses yeux s’étaient à nouveau rivés en direction de ceux de son interlocutrice, pour y percevoir une lueur qu’elle n’avait que trop apprise à connaître.

Celle de l’Envie, bien sûr… Mais ce n’était pas aussi simple. L’attitude de Magdala n’avait absolument rien de semblable avec celle de Caliban… L’Envie se métamorphosait si bien, en chaque être humain, qu’il était bien difficile, à certains égards, de la déceler aussi rapidement que le fit Margaret. Elle, le pouvait… Pourquoi ? Parce qu’elle y avait été confrontée bien trop longtemps, pour ne pas en connaître tous les secrets. Ou presque… Si Maggie n’avait aucune idée de ce qui pouvait agiter l’âme de la jeune femme en face d’elle, il y avait une chose dont elle pouvait être certaine… Quelque part dans ses paroles, elle venait d’attiser une envie de la part de son interlocutrice. Envie dangereuse ?

Par instinct, Margaret eut un vague geste de recul, qui passa inaperçu, car elle le masqua derrière une envie de se saisir d’une part de pizza, qu’elle entama le plus nonchalamment du monde, alors même qu’elle guettait du coin de l’œil les moindres réactions de Magdala. Or, ses réactions furent totalement différentes de celles qu’aurait pu avoir son époux… Maggie en fut si surprise qu’elle cessa un instant de mâcher, avalant d’un seul coup sa bouchée, pour dévisager la jeune femme qui lui annonçait tout net, avec une franchise désarmante, qu’elle était jalouse… puis qu’elle ne l’était plus. Maggie plissa les yeux, presque fascinée… L’attitude de Magdala ressemblait à une… une crise… passagère, banale… dont elle avait l’habitude.

Margaret ne voulut pas souligner cet incident autrement que d’un petit sourire à la fois compréhensif et vaguement coupable. Car après tout, n’était-ce pas elle qui venait de provoquer la jalousie de la jeune femme ? Indéniablement, oui. Et pourtant… il n’y avait aucune raison de l’être envers elle. Elle qui avait tout gâché… tout fait de travers… Elle ignorait même jusqu’au sens des paroles qu’elle prononçait, parfois. Elle aurait voulu le dire, mais elle savait aussi que c’était inutile.

En revanche, elle parut déstabilisée de la question qui s’ensuivit… Qu’est-ce que le bonheur ? Y avait-t-il plus étrange et plus complexe question que celle-ci ? Pouvait-elle seulement y répondre ? Seulement oser ? Tant de philosophes avant eux y avaient dédié leurs vies… Pourquoi saurait-elle mieux qu’eux ce qui devait être ? La différence que Magdala faisait entre la beauté et le bonheur lui parut bien singulière… Car après tout, la sensation de la beauté est tout aussi abstraite que le bonheur. La beauté, n’est-ce pas justement le bonheur qu’elle procure à l’âme qui la contemple ? Maggie esquissa une petite moue… Qu’elle ne fût pas sûre de sa propre conception de ces notions si fondamentales n’était pas l’important… L’important c’était ce qu’elle devait dire… l’impact que pouvait avoir ses paroles sur la jeune femme assise non loin d’elle.

Alors elle garda un silence songeur, reprenant la mastication calme de son repas, tout en écoutant, non sans une certain surprise, Magdala constater platement qu’elle avait bien trop parlé, et que cela était peut-être dû à la présence de sa supérieure. Maggie se sentit quelque peu confuse, presque honteuse d’avoir en quelque sorte forcé une personne à dialoguer ainsi avec elle, plus qu’elle n’avait de coutume… Culpabilité sans fondement, après tout, car la jeune femme lui avait répondu sans y avoir été contrainte…

Margaret ne voyait pas cet aspect-là des choses… Elle ne sut pas quoi dire, face à cet aveu… Du moins, pas tout de suite. Alors elle termina tranquillement sa part de pizza, y ajouta une gorgée d’eau pour se rafraîchir, puis se laissa retomber dans le fond du canapé, tournant la tête vers son interlocutrice, à qui elle sourit. Son visage, à la fois assuré et empli de doute, laissait planer ce fameux paradoxe, sur chacun de ses traits… L’ombre et la lumière. La fragilité et la force… Après une petite esquisse d’hésitation, elle finit par articuler posément :


- Le bonheur… Vous le croyez si invisible que cela ? Mais pourquoi tout passerait donc par la vue, ma foi ?... Vous parlez de la beauté comme de ce que vous contemplez, n’est-ce pas ?... Mais n’est-elle pas justement la beauté, parce qu’elle procure en vous quelque sensation ? Le beau n’est-il pas déjà une esquisse de bonheur ?

Maggie laissa planer un bref silence interrogateur, même si ses questions étaient indéniablement rhétoriques, puisque la réponse qui s’imposait, de son point de vue, ne faisait aucun doute. Elle souriait doucement à Magdala, comme pour apaiser une Envie qui, peut-être, était encore toute proche… et pour se faire pardonner, en quelque sorte, d’oser encore lui parler, quand elle venait pourtant d’admettre que ce n’était pas son ordinaire.

- Bien sûr, je ne peux parler que pour ma part… Je ne m’avancerais pas davantage dans ma réponse… Mais je crois que toute la différence est là. S’il n’y a pas qu’un seul beau, c’est bien parce que chaque personne en reçoit ou non une part de satisfaction et de bonheur à le contempler… Alors oui, le bonheur est bien plus invisible que la beauté… mais il n’en est pas moins perceptible. D’une autre manière…

La voleuse se mordilla légèrement la lèvre, ennuyée de ne pas parvenir à expliquer comme elle l’aurait souhaité ce qu’elle ressentait, par des termes précis qui n’existaient pas vraiment… L’opération était rendue d’autant plus délicate qu’elle parlait à une jeune femme qui lui semblait n’avoir aucune véritable notion, qu’elles fussent inconscientes ou non. Margaret esquissa un nouveau sourire désolé, puis ramena l’une de ses mains au niveau de son cœur, pour tenter d’expliquer :

- Je crois qu’on le perçoit ici, le bonheur… Oh, je ne parle pas de manière métaphorique ou sentimentale. Je parle d’un phénomène purement physique, justement. Qui est invisible, certes, mais qu’on sent forcément… C’est notre corps qui réagit, pour une raison qu’on ne s’explique pas toujours. Soit c’est un pincement au cœur soudain, qui disparaît aussi vite… soit c’est une sorte de fourmillement qui descend jusqu’à notre estomac… ou bien encore un frisson dans le dos qui chatouille d’une façon agréable…

Sous ses propres mots, le sourire de Margaret se transforma légèrement, au profit d’une expression davantage rêveuse, comme si au cours de ce qu’elle tentait d’exprimer, c’était précisément ces sensations-là qui revenaient la hanter, songes perdus de ce qu’elle avait pu connaître. Qu’elle pouvait encore connaître, peut-être… Un nœud naquit dans sa gorge, qui n’avait aucun rapport avec le bonheur dont il était question. Quelle ironie du sort… C’était elle, qui parlait de bonheur… Elle qui l’avait laissé s’enfuir. Maggie cligna des yeux, et conclut d’une voix douce et posée :

- Ce sont autant de réactions physiques, réelles et concrètes, à cette chose abstraite qu’est le bonheur…

Puis elle se tut, pour la simple et bonne raison qu’elle ne sut pas quoi ajouter à ce qu’elle venait de dire… Il s’écoula un nouveau silence qu’elle trouva un peu trop pesant à son goût. Le temps s’écoulait avec une lenteur et une paresse à la fois inquiétante et relaxante, en présence de Magdala. Maggie se souvint de la remarque que la jeune femme avait faite au sujet de son débit de parole. Elle s’inquiéta de l’importuner, et finit par ajouter :

- Je suis désolée d’avoir provoqué en vous un jalousie et un désir qui n’ont pas lieu d’être. Croyez-le bien, ce n’était nullement mon but… J’espère que vous ne m’en voudrez pas non plus de vous avoir tant fait parler… J’ai moi-même une forte tendance à parler bien plus qu’il ne semble nécessaire… et je m’en voudrais d’avoir abusé de votre condescendance à mon égard.

Maggie hocha légèrement la tête avec politesse, l’air gênée de ce qu’elle annonçait, comme face à une erreur de bienséance et d’intimité qu’elle n’aurait pas dû franchir. La voleuse n’avait pas toujours autant de scrupules… peut-être ne connaissait-elle pas toutes les limites qu’il ne fallait franchir, entre le bien et le mal. Mais il lui sembla, ici, qu’elle devait respecter cette personnalité si particulière, toute curieuse qu’elle fut. Cependant, elle ne put s’empêcher d’ajouter, avec une sincérité désarmante :

- Quoiqu’il en soit… J’avoue que cette conversation m’a été fort agréable…

[HRP : Comme il faut clore les sujets assez rapidement, j’ai fait en sorte que l’on puisse s’approcher du terme, éventuellement^^ Si tu veux clore dans ta prochaine réponse, il n’y a aucun problème, sinon je le ferais moi-même après !]
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Magdala Sheol
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MessageSujet: Re: Au pays des taupes. [Margareth]   Au pays des taupes. [Margareth] EmptyLun 5 Mai - 1:22

[ Okay ^^ Normallement c'est clos, sauf si tu veux réagir une dernière fois. Bon, j'ai dépassé le week end d'une vingtaine de minutes... Embarassed ]

Magdala ramena ses mains vers elle et finit par les entrecroiser à nouveau, ses doigts se mêlant comme des serpents tétraplégiques, leur blanche longueur se mariait avec une impression de rudesse, rappelant par un écho lointain la rigidité que devait avoir un cadavre. Et Magdala aimait bien ses mains, c’était un fait, mais elle n’avait jamais réalisé qu’elles étaient si froides : tout le reste en elle l’était-il de la même façon. Et si son esprit n’était pas seulement en cause ? Les paroles de Margareth se glissaient dans son oreille petit à petit, au compte goutte, et Magdala tentait de les analyser tout en laissant de côté son esprit pragmatique et enclin à la labeur purement logique, mais elle se heurtait à un nouvel obstacle : elle était… froide.
Si la nature abstraite du bonheur donnait par son œuvre des manifestations concrètes sur le corps, c’était peut-être une raison pour laquelle elle ne pouvait saisir cette notion dans toute sa plénitude.
Plus inquiétant encore, s’il y avait autant de beauté et de bonheur que de personnes, cela signifiait que sa supérieure ne pourrait pas la guider davantage, elle devrait trouver par elle-même et créer sa propre signification. Ce n’était guère aisé par quelqu’un qui avait placé sa vie, son âme et son Envie entre les mains d’une autre personne. Magdala gardait une foi aveugle en Caliban qui l’avait empêchée de grandir complètement, une partie d’elle restait cette enfant insensible mais en attente du miracle qui la sortirait de sa léthargie, elle avait stagné. Ce qu’on pouvait prendre pour des forces, comme sa détermination, n’était en fait que le résultat de l’absence de mouvement ascendant dans son esprit. Car elle avançait à l’horizontale, selon la ligne qu’avait tracée le directeur du Val des Ombres. Le vertical était, selon Magdala, le propre de Caliban : c’était lui qui était le medium d’une Beauté supérieure, c’était lui qui pouvait monter on ne sait où pour en ramener la vérité.

Ses doigts enfin se séparèrent, et l’index de sa main gauche vint caresser ses lèvres, ses yeux devinrent sombres, comme soucieux, les remous profonds de sa psyché avaient été bien agités, et le résultat s’en faisait finalement sentir. Une angoisse légèrement prononcée lui prenait d’autant plus la gorge parce qu’elle savait, question d’habitude, que lorsque la discussion serait close, qu’elle redeviendrait comme « avant » et que ce serait comme si rien ne s’était passé. Elle oublierait et se concentrerait sur son travail.


* J’ai souvent une idée qui me traverse l’esprit… Je sais pourquoi moi je suis fidèle au Val des Ombres… Mais les autres… Tous les autres… Est-ce qu’ils le recherchent ce bonheur, sont-ils tous heureux… ? Je me pose des questions, mais c’est étrange comme l’Envie me manque pour chercher les réponses…Ce ne doit pas être très important pour moi alors…*

Elle aurait pu dire ceci à voix haute, d’ailleurs ces mots étaient destinés à sortir de sa bouche avec ce ton monocorde qu’elle avait toujours, mais ses lèvres n’avaient pas bougé, elle avait déjà trop parlé…

Elle se contenta juste de dire :


"Vous n’avez pas à vous excuser : c’est mon pêché, il faut bien qu’il s’exprime de temps en temps, dans le cas contraire je n’aurais pas l’impression de mériter l’appellation secondaire de l’Envie."


Elle se leva alors, tout en lenteur, comme se soulève un tas de feuilles mortes soufflés par un vent paresseux, elle saisit son dossier sans hâte et le cala sous son épaule.


"Moi aussi…"

Dit-elle, répondant à Margareth au sujet de la conversation qu’elle venait d’avoir.

"Il en ressort comme une sensation de confort."

Elle cligna des yeux.

"C’était bien."

Et c’était fou comme ses paroles diminuaient comme le cours d’un ruisseau desséché. Mais elle avait carburé à fond pendant quelques minutes, elle était à cours d’essence.
Elle prit congé de Margareth, il était temps de se coucher, demain serait un autre jour toujours plus laborieux.
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