Cour Intérieure - Assemblée Générale

C’était n’importe quoi. Mais alors vraiment n’importe quoi… Autant dire que cela plaisait infiniment à Eva Eden, la tournure que prenait les évènements. Précision tout de même : lorsqu’elle en arriva à cette conclusion, la femme-cyborg n’avait pas encore fait son apparition dévastatrice, et tout ce qui était dévastateur, pour l’heure, c’était plutôt les morceaux de fruits qui volaient en tous sens. Parfait. Elle s’était vraisemblablement faite une alliée de choix en la personne de Liz, qui ne se fit pas prier pour lancer elle aussi des fruits sur la belle toile de Benedikt. Le match était serré… Un grand sourire aux lèvres, Eva ne s’était plus vraiment occupée du trio qu’elle avait invité à prendre part à la bataille – et qui avait visiblement préféré faire la gueule, c’était beaucoup plus amusant – et s’était vite rendue compte que l’équipe de Duncan venait de gagner un nouveau membre. Elle s’en rendit d’ailleur compte d’une manière un peu brusque, puisque ce fut une tomate bien mûre, s’écrasant sur son crâne, qui la prévint d’un nouvel ennemi.

Loin de s’en trouver vexer ou furieuse, comme la plupart des gens de l’Assemblée qui auraient vu rouge depuis belle lurette, Eva éclata d’un rire cristallin, et essuya sa joue d’un revers d’un main incroyablement délicat, presque irréel compte tenu de son état quelque peu… ridicule, dirons-nous. Rien à foutre… S’il y avait bien une chose dont la jeune femme ne se souciait pas, pour l’heure, c’était bien de l’apparence qu’elle pourrait arborer à la fin de cette mascarade. Elle plissa ses grands yeux d’émeraude, et s’écria avec malice, en apercevant le lanceur de la tomate vengeresse :

- Ah la vache, les Paresseux s’y mettent !

Elle lança à sa partenaire un regard encourageant, puis se baissa pour se saisir d’un nouveau projectile… qui glissa de ses doigts tâchés, et s’écrasa lamentablement sur le sol, lorsque la situation dégénéra à une vitesse ahurissante. Eva fronça les sourcils, et se redressa quelque peu en toisant la nouvelle venue d’un regard sans faille. Sans surprise. Mademoiselle Eden, qui traitait toujours et en toute occasion les choses avec une infinie négligence, n’allait pas changer sa façon de réagir, même face à une femme moitié robot. Certes, elle était loin de comprendre ce qui se tramait… mais elle continuait de sourire doucement, mêlant malice et menace au coin de ses lèvres. La lueur dans son regard n’avait plus tout à fait cette teinte de désintéressement. Et ceux qui était assez prêts d’elle, et aptes à s’en rendre compte, pouvaient comprendre qu’elle n’était pas indifférente…

Au contraire, elle réfléchissait à toute allure. Pas au pourquoi du comment de l’arrivée de cette créature, ni à ses motivations – qui étaient pourtant évidentes – ni à celui qui pourrait éventuellement être derrière tout cela… Non, elle ne pensait à rien d’autre qu’au moyen de faire en sorte que cela cesse. Et vite. Pas d’angoisse, pas d’inquiétude. Elle était d’un calme olympien. Agaçant, presque. La jeune femme ne cilla même pas lorsqu’une grenade explosa un peu plus loin, tuant plusieurs élèves. Ses cheveux volèrent devant ses yeux sous le souffle de l’explosion.

Immobile, elle s’avisa soudain de ce qu’était en train de trafiquer son alliée. Liz était en train de téléphoner. Bravo. C’était vachement le moment. Il vint à Eva un sourire de pure ironie lorsqu’elle comprit qui était à l’autre bout du fil. Et les paroles de Nix l’amusèrent plus encore… si tant est que ce put être le moment d’en rire, en pareille circonstance. Tiens donc, la miss moi je aurait-elle perdu confiance en son père ? Elle était maligne, tiens… Détruire ces merdes ? C’était bien gentil, dit comme ça, mais ça ne se faisait pas tout seul, non. Elle n'avait qu’à déplacer ses petites fesses elle-même, si elle voulait des résultats…

… tiens, non. Liz gagna l’étonnement sincère d’Eva en tuant Gilbert d’un simple lancé de poignard, en gardant un sang-froid tout aussi exemplaire que la désinvolture apparente de la professeur de la Luxure. Professeur qui ne put s’empêcher de murmurer d’un ton sarcastique :

- Bon. Ben ça c’est fait.

On fait quoi pour la fille ? Excellente question. Fabuleuse question, qu’elle se posait elle-même depuis que la fille en question avait fait son apparition. A voir tout l’attirail qu’elle arborait, cette créature était plus machine qu’humaine. Conclusion : le pouvoir de Séduction du Flux ne lui serait d’aucune utilité. Ben oui, depuis quand un cyborg réagirait-il aux phéromones ? Parfait. Donc en gros, elle n’était pas plus, ni moins démunie que tous les autres élèves, qui eurent visiblement la judicieuse idée de se replier jusqu’à elle.

Pourquoi jusqu’à elle ? Espéraient-ils qu’elle allait leur sortir un plan mirifique et mûrement réfléchi ? Ce n’était pas pour tout de suite… Faute de mieux, elle commença par hausser les épaules en réponse à la question de Liz, et vit arriver Jill, qui lui posa sensiblement la même question. Ce qu’on fait ? Absolument aucune idée… Qu’est-ce qu’il faut faire quand un robot destructeur s’en prend à une Ecole ? C’était pas dans le règlement, ça…

- On commence par se baisser pour se mettre momentanément à l’abri. Ca serait judicieux…

Ouais… même si les dossiers des chaises, seules choses derrière lesquelles ils pourraient potentiellement s’abriter, ne tiendraient pas plus longtemps qu’une feuille de papier, contre une seconde grenade, par exemple. C’était juste histoire de répondre un truc… Et puis, à l’approche de Jill, Eva n’avait pas pu s’empêcher de jeter un œil en direction de Duncan, que l’élève de l’Orgueil venait de quitter. Bon, il était en un seul morceau, c’était déjà un début… Ignorant les battements vaguement accélérés de son cœur, Eva reporta son attention sur Elvira, qui demandait des explications.

La jeune femme eut une grimace explicite, et répondit rapidement :

- Je ne suis pas franchement convaincue que l’heure soit aux explications de ce genre. A moins que Liz ne sache comment désactiver miss boulons et circuits électriques, le speach sera pour plus tard… Enfin bon, vous faîtes la causette si ça vous amuse, après tout.

Eva esquissa un vague geste de la main, comme pour chasser ses propres paroles, puis sursauta au son d'une voix qu'elle connaissait trop bien. Non, l’abruti n’avait pas fait ça… Les yeux de la jeune femme se rivèrent en direction de l’estrade. Si… si il l’avait fait, ce crétin. Elle eut soudainement l’impression que son cœur remontait jusqu’à ses lèvres, tandis que son taré de cousin, transformé momentanément en homme de métal, faisait une tentative quasiment suicidaire pour s’opposer à la nouvelle venue. Il n’y avait qu’une chose, pour sortir Eva de son indifférence habituelle… Et cette chose, c’était la connerie pure et simple que venait de faire Duncan.

Son sang ne fit qu’un tour, son visage vira à une étrange pâleur, et son corps se raidit. Ok … Cette pouf métalisée le touche et... et… Eva n’eut même pas le temps de formuler sa menace dans sa tête qu’elle retint de peu un cri étouffé lorsque ladite pouf métalisée transperça d’un coup de laser le pied de son cousin. La jeune femme entre ouvrit la bouche, ses yeux verts fixés en direction de l’estrade, semblant lancer de furieux éclairs. Si un regard avait pu tuer… la cyborg n’aurait plus été un très gros problème.

C’était à peine si la Luxure se rendait compte que les gens s’assemblaient autour d’elle, et demandait à ce qu’elle fasse quelque chose… A peine si elle vit Lionel hésiter à venir en aide à Duncan, puis décider qu’il valait sauver sa propre peau. A peine si elle remarqua que la petite Yael avait un la joyeuse idée de balancer une chaise pour attirer l'attention de la cyborg... Le regard rivé vers l’ennemie numéro une, Eva ne fixa plus un seul élève, mais articula doucement, d’un ton calme, détachant chaque syllabe avec une précaution déstabilisante :

- Bien… Ce qu’on fait… Premièrement, si chacun veut sauver ses propres fesses, il va falloir qu’il s’occupe momentanément de celles des autres. Je sais, le travail d’équipe c’est pas votre truc… Seulement vous n’avez pas le choix. Que ceux qui ont un pouvoir offensif et potentiellement utile se tiennent prêt. Que ceux qui ont un pouvoir défensif intéressant protègent ceux qui n’en ont pas… et que ceux qui ont un pouvoir momentanément inutile – comme moi – ne tentent absolument rien de stupide… Comme moi.

Eva fit un pas prudent, nonchalant, après avoir saisi entre ses mains un fruit bien juteux. Elle fit signe à tous les autres de rester où ils se trouvaient, et de ne surtout pas bouger. Et en quelques pas, elle fut dangereusement proche de l’estrade, sur laquelle la femme cyborg s’apprêtait à transpercer autre chose que le pied de Duncan. La Luxure n’avait peut-être rien en tête de précis… Mais elle n’avait pas le temps d’y réfléchir.

Le fruit vint s’écraser violemment et consciencieusement sur le laser de la cyborg, le rendant momentanément hors service. Et attirant l’attention de l’ennemie vers Eva, plus qu’il n’était nécessaire. Eva, qui lui adressa un formidable sourire, avant de claironner :

- On n’abîme pas mes jouets !

D’une simple enjambée, elle monta sur l’estrade, et sans laisser à quiconque le temps de réagir, sortit de sous sa robe une sorte de mini-revolver, nettement plus semblable à un jouet d’enfant qu’à une arme dangereuse. Le genre de truc apparemment en plastique dont se servent les gamins… A peine plus grand que son pouce, et qui était vraisemblablement fixé sur le haut de sa cuisse, genre à la "Lara Corft", mais en nettement moins fun. Il ne pouvait décemment pas y avoir plus d’une balle, dans ce petit machin…

… Balle qu’elle tira pourtant, alors qu’elle ne se trouvait pas à plus d’un mètre de la cyborg… Et la jeune femme pris soin de viser la tête de la machine. Si par hasard il n'y avait pas là le siège des circuits électriques la commandant, il y aurait au moins les capteurs générant sa vision et certaines de ses aptitudes. Capteurs qui seraient donc définitivement hors service…

[désolé, un peu long ! Comme le message de Benedikt doit être édité, je n’y ai pas fait allusion pour l’instant. J’éditerai mon message si jamais cela change quelque chose de vital]

[HRP : Je sais que je n’ai pas attendu les réactions de tout le monde, mais comme Eva est en mesure de réagir tout de même pas mal, je me permets de poster dès maintenant, vous avez tout à fait le droit de me gronder si j’abuse^^ J’ai pas pu m’en empêcher XD]

Eva aurait peut-être dû s’éloigner, après tout… Parce que c’était bien gentil, mais Lara Coft ou pas, il y avait des limites à ce qu’elle était capable de faire. Pas grand-chose, en l’occurrence. Tout ce qu’elle était réellement en mesure de penser, c’était que son cousin était bien trop proche de la femme-robot à son goût. Pas proche dans le sens où il aurait pu faire des cochonneries à la cyborg, hein ! Manquerait plus que ça… Plutôt dans le sens où un coup de laser bien placé n’était pas du meilleur effet. Donc elle n’avait pas l’intention de s’éloigner de la pouf de métal avant d’être sûre que son Duncan ne risquait plus d’avoir un deuxième trou, genre au niveau du front, entre autres. C’était la seule chose cohérente qui la poussait à bouger… Rien de plus. Rien de moins. Pas la peur, pas le courage ou l’héroïsme débile. Juste cette pensée-là.

L’adrénaline courait dans ses veines d’une façon qu’elle aurait pu prendre le temps de qualifier de délicieuse, et elle souriait toujours… Pourquoi ? Parce que malgré tout ce qu’ils pouvaient tous penser… quelque part, Eva adorait ce qui était en train de se passer. Elle n’aurait pu rêver mieux pour briser l’ennui. Ah, bien mieux qu’une bataille de fruits, indéniablement… Là où elle avait nettement moins apprécié, c’était lorsqu’on avait blessé son cousin. Mais pour l’heure, ce n’était plus lui la cible attitrée… En l’occurrence, c’était elle-même.

Avant que la professeur de la Luxure n’ait seulement le temps de comprendre ce qu’il se passait, elle ressentit une intense brûlure au niveau de la main qui tenait son arme, qu’elle lâcha aussitôt, et qui retomba pitoyablement sur le sol de l’estrade en une multitude de petits déchets carbonisés. Chouette. De toute façon, il n’aurait pas pu servir une deuxième fois, ce n’était pas une grande perte. Pensée ridicule, qu’il disparut derrière la douleur qui s’attaquait à ses doigts. Après un sursaut de souffrance, Eva se mit à pester d’une voix forte :

- Ah bordel, quelle pétasse !! Mais ça fait mal son truc !

La jeune femme rabattit sa main vers son ventre, la serrant fortement comme pour étouffer la douleur… Ce qui ne fit qu’amplifier la brûlure, évidemment. Alors elle choisit la technique inverse, et agita vivement ses doigts brûlés dans l’air, en se mordant la lèvre. L’attitude d’Eva avait quelque chose de purement irréel, compte tenu du fait qu’un robot pouvait lui faire arrêter son cirque d’une seconde à l’autre. Ce qu’elle eut envie de faire, d’ailleurs… La Luxure se figea, entre ouvrant la bouche devant l’arme qui se pointait vers elle… même en cet instant, ce n’était pas la peur qui se lisait dans ses yeux verts, mais une sorte d’ironie démentielle.

Elle allait sans doute lancer une remarque cinglante lorsque son cousin décida d’intervenir. Il était temps, d’ailleurs… Eva esquissa un sourire sadique en voyant Duncan tenter d’immobiliser la cyborg après l’avoir frappée. Si elle n’avait pas eu peur, quelques secondes auparavant… était-ce aussi parce qu’elle savait qu’il ferait quelque chose ? Ceci étant, il aurait tout de même pu réagir un peu avant. Parce qu’elle ne voudrait pas dire, mais elle avait furieusement mal à la main…

… alors si une simple brûlure l’élançait à ce point, elle n’imaginait même pas ce que devait être la douleur qui s’attaquait au pied de son cousin. Plus tard. Plus tard les compassions et les soins. Pour l’instant… pour l’instant elle venait de se faire traiter de Lara Croft. Sous la réflexion de Duncan, Eva arqua un sourcil, et leva les yeux au ciel, comme si elle avait déjà oublié qu’il y avait une femme-machine-tueuse-à-laser qu’il fallait éliminer, avant de tous finir dans le même état que ses doigts. Ou que le pied de Duncan, au choix.

- Bah pfff !!! Ca c’est fait ! Lara Croft, carrément ? Pourquoi pas Rayman tant qu’on y est ? Je t’ai déjà dit d’y aller mollo sur les fantasmes, coco !... De toute façon je ne pousse pas les cris bizarres et louches de Lara, moi.

Bah bien sûr ! Comme si c’était le moment d’entamer un débat à ce sujet, alors que son cousin était vraisemblablement en train de tenter de maîtriser la femme à lui tout seul, aidé de son corps de métal. Et bien oui, il fallait croire que c’était le bon moment. Ou plutôt qu’elle ne choisissait jamais son moment. L’un comme l’autre, d’ailleurs. Elle agita encore un peu ses doigts douloureux, tout en fronçant les sourcils devant les efforts de Duncan, qui prenait des risques considérables… Ce qui ne lui plaisait pas des masses, pour être tout à fait sincère, d’ailleurs.

Achevez-la ? Il en avait des bonnes, lui aussi ! Comme Nix avec son sympathique « Détruisez-moi ces merdes », qui ressemblait plus ou moins à une sorte de « démerdez-vous ». Allons, allons… Un peu de concentration. Comment peut-on tuer un robot ? Vraisemblablement, sa vision avait été assez amochée par la balle qu’Eva avait tirée. Mais ce n’était pas là qu’était le siège du système. Alors… à la place du cœur, pour un être humain, peut-être ? Elle en était à cette réflexion, lorsqu’elle entendit son cousin lui suggérer de tripoter la demoiselle.

Ah, pourquoi pas…Une réplique lui vint, et elle ne put la retenir :

- J’ai pas l’habitude de tripoter ces machins-là, mais bon… Je vais pas faire ma difficile…

A peine avait-elle fini sa phrase qu’elle vit arriver vers l’estrade quelqu’un qu’elle n’attendait pas. A supposer bien sûr qu’elle attende seulement quelqu’un… La Luxure entre ouvrit la bouche de surprise, en voyant Jill Linux, l’élève de l’Orgueil qui s’était associée à son cousin, quelques minutes plus tôt, au milieu d’une bataille de fruits ridicule. Elle eut un sourire admiratif, et ne put empêcher une exclamation :

- Wohw… Joli !

Bon, elle aurait pu pousser le vice jusqu’à battre des mains pour souligner le courage – ou la témérité suicidaire – de la jeune fille, mais elle décida d’être un peu plus responsable, et d’un mouvement vif, se retrouva elle aussi tout près du robot que Duncan et Jill maintenaient comme ils pouvaient… Ses doigts coururent autant qu’il le purent le long du corps d’acier de la créature, avec une rapidité et une habileté toute particulière. Le genre de choses qu’Eva savait très bien faire, sans aucun doute… En même temps, elle doutait fort qu’il y ait quelque part un bouton on/off. Ca serait beaucoup trop simple, et le mec qui aurait fait un truc pareil serait… stupide. Elle ne put s’empêcher de le faire remarquer :

- Je voudrais pas dire, mais à mon avis, si bouton on/off il y a, il doit se trouver entre les mains du taré qui a construit cette pouf métallique. Ou alors il est encore plus taré qu’on ne le croit !... J’ai une autre idée…

Elle avait remarqué une sorte de trappe en métal dans le dos de la cyborg, bien vissée comme il fallait… et qui devait abriter bien des capteurs et branchements qui leur seraient intéressants. Puisqu’il n’y avait pas de bouton, la seconde façon la plus efficace d’arrêter un jouet, c’était encore de couper net tout ce qui le faisait marcher. Bien… facile à dire, encore une fois… Alors Eva se mit en devoir, de toute la force de ses doigts brûlés, de forcer tant bien que mal la plaque de métal qui mettrait peut-être à vif les « nerfs » centraux de la cyborg.

Le problème c’était qu’elle pouvait difficilement y parvenir, juste avec ses mains. Forcément. Lara Croft, ok, mais faut pas trop en demander non plus. Alors, après trois ongles de cassés et quatre jurons fort peu convenables, elle hurla à la cantonade :

- Ok, quelqu’un aurait-il un tournevis, s’il vous plaît ?

Nix s'était trouvé une utilité dans sa décision de porter les gants protecteurs de son père : s'ils étaient bien trop grands pour elle, au moins, les remettre en place toutes les dix secondes lui permettait de songer à autre chose qu'à ce que ses parents faisaient. Et puis, elle avait besoin de se défouler, et l'idée de participer à cette folie qu'il y avait dans la Cour Intérieure était ce qu'il lui fallait. D'un regard sombre, elle jugea ceux qui partaient dans le sens inverse de sa propre marche. Des lâches.

Le professeur de la Gourmandise la suivait avec sa nonchalance habituelle, comme si rien ne l'inquiétait, comme si rien n'était suffisamment important pour frôler les mondes auxquels il pensait. Après tout, elle n'en avait rien à faire. Qu'il se perde dans ses réalités s'il le voulait, elle était bien consciente qu'il était, en quelque sorte, plus heureux ainsi. Et trop lui parler du monde qui l'entourait gavait suffisamment l'étrange personnage - et, miracle, elle qui s'occupait du monde avec la force de sa subjectivité, elle s'en rendait compte - pour ne pas chercher à converser avec lui.

Soudainement, elle se rendit compte que les élèves ne couraient plus pour fuir, mais avaient une tendance à se retourner pour se diriger vers... vers le centre de l'estrade. Vers la professeur de la Luxure, qu'elle observait de son regard froid... froid pour sombrer bien vite dans la chaleur, forte à un point qu'elle n'aurait pas du ressentir dans son pyjama, avec ou sans son gilet pare-balles qu'elle portait allègrement. Eden utilisait son pouvoir, et lui rappelait bien méchamment une entrevue qu'elles avaient eu une poignée de jours auparavant. Heureusement, le pouvoir n'était pas trop fort, et elle le savait dirigé sur toute la Cour. Cela ne l'empêcha pas de ressentir une forme de jalousie pour le reste de l'Assemblée.

Elle soupira, guidant ses pensées sur autre chose, sur le professeur qui l'accompagnait, et avança aux côtés de Noïtrid, sans faire plus attention au reste des personnes. S'il y avait des regards réprobateurs, suite à son retard, elle s'en moquait. Mais elle s'en voulait quand même, l'air de rien, de n'avoir su répondre aux attentes de son père. Nix fixait avec une intensité étrange les actes du professeur de la Gourmandise, tentant de faire abstraction du rouge qui lui montait aux joues, et de cette attirance qu'elle ressentait envers sa rivale. Dièsinam eut la merveilleuse idée de lui dire ce qu'il fallait qu'elle entende : son père ne voulait pas la destruction de l'Ecole, il n'était pas derrière une connerie comme ce robot. Elle plongea dans les bras du professeur de la Gourmandise, avec une chaleur qui ne lui ressemblait pas, avec un sourire ravi.

-Merci professeur !

Elle se redressa bien vite, pour reprendre son air froid : cela n'élucidait pas sa question sur le Flux qu'elle possédait actuellement, ni sur son rejet, et les risques qu'il avait pris avec elle, mais elle était heureuse de savoir son père innocent au moins à ce sujet. Et sa mère, hors de tout soupçon. La jeune Leviaz tourna son regard sur Eva, et, entre cette haine et cette attirance due aux yeux orangés, elle fronça les sourcils, et se mordit la lèvre pour garder une contenance.

-Vous êtes professeur, non ? C'est déjà une honte que de n'avoir su gérer la situation sans aide de la part de vos élèves, vous auriez aimé que je vous sorte de ce pétrin ?

Oh, son père aurait dit exactement la même chose. Et probablement, aussi bien sous-entendu une sorte de demande de pardon, parce qu'elle n'avait pas agi au bon moment. Mais Nix brillait d'une sorte de fierté, encore présente malgré son air maladif, et la couleur olive du sang qui parcourait son corps. Elle ressemblait d'ailleurs fort bien à un végétal. Une salade, aurait dit Liz avec pertinence.

-Mais je vous remercie d'avoir agi, déjà. Et d'avoir essayé de calmer la situation. Je n'aurai pas su vous aider, de toutes manières, pas dans mon état actuel.

Son oeil de nuit parcourait l'Assemblée, et son esprit cherchait à combattre l'attirance qu'elle éprouvait envers Eva. Elle était trop exposée à ces phéromones.

-Je vais observer les prises de vue des caméras, pour essayer de trouver qui aurait amené cette machine ici. Sans vouloir insulter Mr Robert, je doute qu'il soit capable de tout cela seul. Si j'ai le moindre indice pour trouver ses complices, je ne vais pas cracher dessus. Je dois aussi faire le rapport des dégâts matériels et des élèves disparus dans l'explosion, donc, il faudrait que nous relevions les éventuels restes des cadavres. Je veux aussi vérifier si Gilbert Robert était bien Gilbert Robert... Membres de l'équipe éducative, surveillez vos élèves, et les éventuelles sorties de l'Ecole.

Elle prit son téléphone portable, composa un numéro, puis dit rapidement :

-Ici la Directrice, mettez en place la surveillance nécessaire en cas d'urgence : personne ne quitte le Val des Ombres jusqu'à nouvel ordre.

Et Nix raccrocha.

-Aucun indice quant à cette intrusion ne m'échappera. Professeur Eden, veuillez arrêter votre pouvoir avant que je ne craque et que nous reproduisions la situation de ces derniers jours, merci.

Et ceci fut à peine dit, qu'elle quitta la Cour Intérieure d'un pas vif, en s'intimant, du côté de Calypso, de ne pas quitter sa soeur, sauf si c'était pour vérifier d'éventuelles prises de sang. De son côté, elle allait revoir les extraits vidéos des derniers jours...

(HRP : je pense que nous pouvons clore là-dessus)