Infirmier indisponible, veuillez réiterer votre appel.

Alexei venait tout juste de sortir du bureau du directeur, après un entretient des plus... atypiques.

Un étrange sentiment de puissance l'avait envahi alors que le liquide s'était écoulé dans ses veines, ce qui lui avait fait penser qu'il devait probablement s'agir d'une sorte de drogue, quoi qu'en dise le directeur. Qui était-il pour refuser l'injection d'une drogue, quelle qu'elle soit ? Il n'était pas regardant sur la marchandise. Et puis un établissement où on vous injecte des substances louches à l'entretient, c'était loin d'être déplaisant pour lui, adepte des consommations de produits illicites ou louches.

On lui avait assigné la tâche d'assistant d'un professeur. Un bon moyen de gagner des sous facilement, c'était le genre de taff où il n'aurait qu'à apporter deux trois trucs quand le prof en aurait besoin, et le reste du temps il serait sûrement vautré sur une chaise ou en train de se droguer, ouais, ça devait être un boulot de glandu dans ce genre-là.
Le prof était UNE prof. Il n'était pas du genre à draguer, mais il espèrait qu'au moins elle aurait un physique pas dégueu, histoire d'avoir une jolie vue durant le boulot.

Alors qu'il cherchait les piaules histoire de s'installer avant d'aller voir cette miss Rhyn, il eut soudain une série de violentes démangeaisons dans le bras gauche. Alors il se mit à gratter, gratter jusqu'à ce que sa peau en rougisse, jusqu'à laisser les marques rougeoyantes de ses ongles. Si les démangeaisons n'avaient pas cessé, il aurait probablement continué jusqu' à en saigner. Ca devait être un con d'insecte qui l'avait piqué, ou une connerie du genre. En tout cas, ça l'avait franchement surpris, et il avait rarement eu autant envie de se gratter la peau. Peut-être vaudrait-il mieux qu'il fasse un petit détour par l'infirmerie locale après avoir déposé son fatras. Ca lui semblait le plus intelligent à faire, pour une fois.
Il allait se diriger vers un élève, histoire de lui demander où se trouvaient les dortoirs de la section à laquelle on l'avait assigné, et lui péter la gueule s'il refusait de lui répondre, quand il fut encore pris d'une crise de démangeaison. Plus courte, cette fois, mais tout aussi intense.

-Bordel...

Tout bien réfléchi, mieux vallait peut-être qu'il passe à l'infirmerie directement.
Ca commençait bien. Il avait sûrement chopé une allergie ou une saloperie de ce goût-là. Il était loin d'être un assidu du boulot, mais se montrer absent les premiers jours donnait rarement envie à l'employeur de garder le fautif.
Il se dirigea vers l'infirmerie après avoir passé l'étudiant à tabac pour avoir son info -et histoire de se défouler un peu-, et frappa à la porte.
Une fois.
Deux fois.

-...

Il flanqua un coup de pied dans la porte, rageur. Si même les membres du personnels étaient pas foutus d'assurer leur poste, ça commençait mal, TRES mal.


[Vient qui veut, je mord pas -du moins j'essayerai]

- Aïe...

Ouhlala. Ouuuhlala que ça faisait mal...Il avait sûrement des côtes cassées ! Et très certainement la mâchoire déboîtée ! Peut-être même qu'il avait eu un coup du lapin, sa tête lui tournait. Il se retint d'appeler "maman" mais des larmes embuèrent ses yeux. Tiens au fait...Il se précipita sur ses lunettes qui avaient valsé un peu plus loin et les remit sur son nez. Ha...Ça allait tout de suite mieux. Mais qu'est-ce qui lui avait pris, à ce grand débile ? Pourtant il avait été - a peu près - sympa ! C'est pas comme s'il s'était moqué de ses cheveux bleus - mais était-ce de sa faute ? Ce crétin aurait du savoir que c'était plus à la mode ! Franz se releva, et bomba le torse. Ça n'allait pas se passer comme ça !...

Ayant déjà presque oublié la douleur qui le lançait dans les côtes et la tête, il se dirigea vers Alexei d'un pas affirmé.
- Hey, la saucisse !
Qu'est-ce qu'il avait l'intention de faire, au juste ? Il percevait très bien que ce type était en ébullition, et que les nerfs de ses bras ne demandaient qu'à recommencer. Mais...Franz est tenace. Presque autant qu'une tique. Voyons voir. Avec un peu de concentration, il put percevoir quelques signaux électriques. Activité anormale des nerfs afférents au niveau de l'épiderme...Désordre de l'homoncule sensitif...Excédent d'afflux de dopamine...
Relativement simple, et particulièrement dangereux, merveilleux ! Il sourit, ce qui ouvrit un peu plus sa lèvre sanguinolente.

- Alors, on est frustré ? Tu es tout perdu, ça fait peur, hein ?

Un rapide coup d'"œil" sur la méta-mnèse d'Alexei lui offrit quelques informations en plus.

- Faut pas avoir peur d'être tout seul, tu sais. Mais moi j'en sais rien, c'est pas comme si j'étais orphelin ! et il éclata d'un rire particulièrement énervant. Dommage, si tu t'étais montré un peu plus gentil avec moi j'aurai pu t'aider...Mais je suppose que je vais devoir aller me plaindre à mon professeur principale, elle, au moins, elle est gentille, Miss Rhyn...

Alors là, c'était la meilleure.
Voilà qu'une victime de son exercice quotidien (qui consistait à tabasser le premier venu) en redemandait? Parce que c'était évident, dans l'esprit d'Alexei : si un type qu'il avait frappé revenait lui parler ensuite, c'est qu'il n'avait pas compris la leçon, et qu'il avait envie de se manger de nouvelles mandales.
Non mais franchement, il fallait avoir un grain, ou quelque chose comme ça. Enfin, il n'allait pas se priver de l'un de ses petits plaisirs.
Il se détourna de la porte, faisant craquer les jointures de ses doigts. Départ du poing en direction de la tronche du gamin dans dix, neuf, huit... Ah, voilà qu'il lui parlait de nouveau, possibilités de retard dans l'arrivée du projectile à la destination convenue.

-Oulalah, oui j'ai peur d'être tout seul, je vais pleurer, tiens..., commença-t-il, avant de percuter.

Miss Rhyn. C'était cette enseignante qu'il était supposé assister.

-Ca tombe bien, figure-toi que j'avais b'soin de la voir.

Le jeune homme empoigna son interlocuteur par les cheveux, sans une once de douceur.

-Soit un gentil lèche-burnes et emmène-moi voir cette...

Il n'eut pas vraiment le temps d'achever sa phrase, que les démangeaisons recommencèrent. Toujours le bras gauche, toujours cette sensation désagréable, ce picotement qui le traversait d'un bout à l'autre, cessait un court instant, puis revenait plus fort encore.
Sur le coup, il avait laché le garçon, et s'était remis à gratter son bras frénétiquement. A défaut d'avoir un infirmier disponible, en forçant la porte, il pourrait peut-être farfouiller dans des tiroirs et trouver des calmants, ça serait au moins ça de pris.
Il entreprit donc de flanquer à nouveau quelques coups de pieds dans cette porte, qui semblait au final plus résistante qu'il ne l'aurait cru, se tenant toujours le bras. Finalement lassé de gaspiller de l'énergie inutilement, il se tourna à nouveau vers le truc aux cheveux roses, une expression de profond agacement sur le visage.

"Reste pas planté là, va la chercher!"