Première nuit

[HRP : suite du repas de début d'année... message court, parce que je savais pas trop quoi dire pour commencer XD. C'est pour Calypso ^^]

La solitude avait parfois du bon, après s'être énervée. Nix Leviaz avait quitté la salle à manger à la demande de son père, même si leur discussion avait été silencieuse. La participation de Calypso à ceci avait achevé de la calmer. Sinon, elle se serait purement et simplement jetée sur Eva. Et tant pis pour ceux qui auraient tenté de l'arrêter. Heureusement que sa soeur avait quelques dons - paradoxaux - pour la calmer dans des cas pareils.

La jeune fille avait promis à la Professeur de la Colère de rester dehors, et de lui parler un peu, plus tard. Donc, comme elle tenait ses promesses - comprenez : quand cela l'arrangeait, bien sûr - , elle s'installa sur un muret de la fontaine.

Nix avait presque l'air d'une princesse pensive, là, en pleine nuit, sous les rumeurs d'une fête lointaine. Du moins, il y avait de fortes chances qu'elle pense que c'était effectivement le cas, elle était une princesse installée près d'une jolie fontaine, sous le ciel étoilé. Ceci dit, la comparaison avec une princesse se stoppait à son statut d'héritière de l'Ecole, et à son physique charmant. Rares étaient les princesses lunatiques et tortionnaires, et elle ne chantait pas souvent, même si elle aimait faire de la musique.

Bref, elle posa son regard sur l'eau de la fontaine éclairée pour la nuit. Les jets étaient presque plus blonds que ses cheveux, et la mouillaient légèrement. Elle n'y porta pas attention, c'était avec un air rêveur qu'elle observait la scène, un demi-sourire aux lèvres. Ses envies de meurtre, elle les avait toujours, bien sûr. Elle n'attendait que le moment fatidique où elle pourrait s'attaquer à cette femme détestable, à cette Eva Eden. Elle ne passerait pas l'année, cette salope.

La demoiselle glissa ses doigts fins dans l'eau, l'air toujours aussi rêveur et agréable. Difficile d'imaginer que quelques instants auparavant, elle jetait un couteau vers un de ses professeurs et la menaçait avec allégresse. Oui, très difficile, mais peut-être jouait-elle avec cela... ou alors, et là était la vérité, elle ne se rendait pas compte que l'air détaché qu'elle arborait ne pouvait lui donner qu'un air plus cruel, en connaissance de ce qu'elle avait déjà fait. Déjà, elle ne savait pas ce qu'elle pouvait bien avoir fait de mal, à part désobéir à son père en s'attaquant à cette femme... mais c'était pour son bien ! Cette pétasse traînait trop autour de lui, elle lui faisait du mal, et en plus, elle draguait la totalité de l'Ecole du Flux.

Non, franchement, une abrutie pareille n'avait aucun intérêt à rester dans un lieu comme celui-ci. Il fallait s'en débarrasser, et trouver un prof un peu plus acceptable. Elle saurait s'en occuper, si personne ne voulait le faire. Bon, restait à savoir comment...

Bigre, elle avait la chair de poule, dehors, avec cette petite robe de soirée.

[J'aurai mis le temps mais me voilà ^^]

Un hurlement, un tremblement... Calypso avait enfin quitté le dîner et avait laissé exploser sa rage une fois dans le couloir. Mais même de dehors, Nix avait pu entendre cet étrange son assourdissant qu'était le cri de Calypso quand elle était en colère. Etait-ce la faute de Nix? Cette colère était-elle dirigée contre elle? Elle n'allait pas tarder à le découvrir.

-Qu'est-ce-que vous foutez ici vous?!!! ALLEZ ASSISTER AU DINER TOUT DE SUITE AVANT QUE JE NE VOUS FASSE FLAMBER SUR PLACE!!!!

Eh bien en voilà deux qui s'attiraient déjà les foudres de Calypso alors que l'année n'avait pas encore réellement commencée. Ils étaient là, comme des idiots, sur les marches, au lieu d'être au dîner. Calypso ne manqua pas de les y envoyer à coups de fouet enflammé qui firent flamber leurs petites fesses. Oh, en tapottant dessus les deux élèves n'eurent aucun problème à éteindre les petits flammes, mais ça avait du être malgré tout très désagréable et ils allaient avoir des marques pendant quelques temps.

-On croît rêver...

Une main dans sa chevelure de feu, et Calypso descendit les marches afin de se diriger vers la fontaine où elle avait déjà remarqué Nix.

-Qu'ils soient mauvais c'est une chose, une bonne chose! Mais qu'ils respectent au moins ton père cette bande d'ingrats! Ils oublient que c'est grâce à lui qu'ils ont aujourd'hui un don, un toit, et peut-être un futur!

Elle était arrivée à hauteur de Nix et le petite veine de Calypso palpitait toujours sur sa tempe : elle avait du mal à se calmer.

-Il m'a mis hors de moi cet petit con.. Valentin!!!

Ajouta-t-elle avant que Nix ne lui demande de qui elle parlait.

-Il me sort par les yeux. Je vais demander à ton père de l'autoriser à ne plus venir à mes cours. Pas pour lui : mais pour moi!!!! Pour mon propre bien-être!!!

Allez Calypso. Il est dans la salle, en train de manger, et toi, tu es là, avec ta petite soeur alors tout va bien.

Un soupir.

Et Calypso glissa doucement sa main dans les cheveux de Nix avant de s'assoir à côté d'elle.

-C'est bon... Ca va mieux...

Maintenant qu'elle avait explosé, oui, ça allait mieux. Elle esquissa même un petit sourire à Nix. Ces sourires qu'elle lui réservait.

-Comment te sens-tu? Frustrée, j'imagine, d'avoir été arrêtée. Mais tu sais c'est un Professeur... Et tant que tu es élève, tu lui dois ne serait-ce qu'un peu de respect...

Oui, tant qu'elle était élève.

-Cela dit, par la suite... Je veux dire, on ne sait pas ce qu'il peut se passer.

Parce qu'elle-même, avait tué l'ancien professeur de la Colère pour prendre sa place. Inutile de le dire. Nix le savait.

Mais c'était différent.

-Disons que pour moi, c'était différent puisque je ne pouvais pas agir avant d'avoir mon diplôme.

Le regard de Calypso s'anima d'une étrange lueur : sans doute s'envolait-elle vers ses excellents souvenirs de ses années à l'école, en tant qu'élève.

-Mais expliques-moi pourquoi tu la détestes à ce point. Qu'est-ce-qu'elle t'a fait exactement? J'aimerais que tu m'en dises plus.

C'était un sujet qu'elles avaient rarement abordé toutes les deux. Parce que ça fâchait, parce que c'était délicat et parce que Calypso ne voulait pas forcer Nix à parler. Seulement voilà : les choses à présent étaient tellement allées loin qu'il fallait en parler plus longuement.

Pour repérer Calypso, Nix n'avait pas besoin d'utiliser son pouvoir : il lui suffisait d'écouter... ou de voir les flammes, mais le son suffisait. Les colères de sa soeur étaient si puissantes, si bruyantes, que les élèves de l'Ecole avaient une tendance à filer doux face à elle. Et c'était tant mieux, après tout, un peu d'autorité ne faisait de mal à personne. Et la jeune demoiselle près de sa fontaine était sensiblement la seule à pouvoir observer un autre visage de la professeur de la Colère.

Les rages de Calypso, elle les connaissait. Depuis le début de l'Ecole, elles étaient presque inséparables, toutes les deux. Et la jeune fille avait subi des engueulades qui pouvaient être mises dans le livre des records (en longueur, ou en décibels), alors une de plus, ou une de moins, cela lui donnait certes des frissons dans le dos, mais elle ne se laissait pas impressionner pour autant. Ceci dit, trait de cruauté ou complicité simple, elle s'amusa de voir les vraies victimes de la Colère.

Cette petite veine qui frémissait, là, sur la tempe de sa soeur, qu'elle pouvait observer maintenant qu'elle était proche d'elle, lui paraissait menaçante, même si elle n'était pas tournée vers elle. Un sourire s'arracha de son visage, quand elle sut ce qui gênait sa soeur. Ce Valentin ? Elle ne le supportait pas non plus.

-Papa aurait du le tuer.

Après tout, un tel échec social que ce gamin ferait mieux de disparaître, non ?

Elle releva son oeil unique sur sa soeur, quand elle eut un geste tendre pour elle. Un sourire doux. C'était vrai que Calypso avait su attendre son heure, avant de faire ce qu'elle désirait de l'ancien professeur de la Colère. Elle avait su prendre les mesures qu'il fallait, au bon moment. Nix ne suivait pas forcément la bonne manière, en brûlant déjà de rage. Mais la question n'était pas là.

Si elle avait réellement voulu être professeur à la place du professeur, elle aurait pu attendre, bien sûr. Mais ce qui l'embêtait, avec Eva... déjà c'était sa façon d'être. Injurieuse, toujours.

-Le problème, c'est que cette poufiasse n'a aucun respect pour mon père. Enfin, si ce n'était que ça, je lui ferais confiance pour se débrouiller seul.

Elle se blottit un peu contre Calypso. Oh, cela pouvait avoir l'air d'être du suicide - et totalement irréel pour Nix qui semblait des plus froides - de se rapprocher d'une telle source de chaleur, mais c'était un geste qu'elle avait l'habitude de faire. Elle adorait Calypso. Depuis toujours, lui semblait-il.

-En fait... je ne sais pas si tu l'as vu, mais Papa est malade... dans sa tête, hein. Tu vas me dire que c'est le cas d'un peu tout le monde ici, mais tu vois, l'Envie en est à un point, avec lui, où elle le consume de l'intérieur. Il s'auto-détruit, il s'efface. Mais pour l'en empêcher, il faut lui montrer qu'il est quelqu'un... je ne dirai pas quelqu'un de bien, mais quelqu'un d'exceptionnel. Il se persuade de n'être qu'une ombre, et du coup il la devient, je crois.

Elle fronça vaguement les sourcils.

-Le problème, c'est qu'Eva le traite comme n'importe quel type, comme une ombre, justement. Et l'air de rien, elle le met à mal. Elle l'assure dans ses pensées fausses. Et elle détruit tout ce que j'essaye de soigner de mon père.

La jeune fille plissa les lèvres, cessant son câlin en passant une main dans ses cheveux blonds.

-Et voilà pourquoi je ne peux pas la sentir : elle est en train de tuer mon père.

Le coeur brisé...

Voir Nix dans un tel état d'inquiétude brisait le coeur de Calypso. Oui, la Colère avait un coeur, et seule Nix avait jamais réussi à s'y faire une place. Caliban aussi, dans un sens, même s'il l'ignorait et c'est sans doute également pour cela que l'explication de Nix lui fit mal au coeur.

Calypso ne se doutait que Caliban était à ce point dévoré par son Péché. Mais en même temps, pouvait-elle seulement le juger ou prétendre aller mieux que lui? Elle qui explosait de plus en plus souvent? Elle qui parvenait à se contrôler mais qui après se transformait en véritable ouragan de flammes? Elle qui venait encore, quelque minutes auparavant, d'exploser?...

Un soupir.

Elle était folle de sa propre Colère, elle se noyait dedans, c'était dangereux, elle le savait mais peu lui importait. Caliban était visiblement pareil. Non, en fait, il était pire. Elle le savait, sans doute... Oui, elle s'en doutait mais n'en avait jamais parlé, n'avait jamais rien tenté car pour elle, se perdre dans son Péché c'était normal.

Sauf que le point de vue Nix, sa manière de présenter la situation changea la donne. Calypso se rendit compte que Caliban risquait sa vie : Oui, il disparaissait, dévoré par son Péché. Et si Eva l'entraînait dans sa chute, Calypso ne pouvait pas se vanter d'avoir essayé de l'aider.

-Tu sais... Nous sommes tous un peu comme ton père. C'est pourquoi nous sommes d'ailleurs Professeurs ici. Notre Péché... C'est nous.

Elle marqua un silence et observa Nix qui s'était détachée d'elle. En la voyant ainsi, son coeur se serra un peu plus et elle décida de reprendre sa petite soeur dans ses grands bras, forts, du moins pour une femme.

-Sincèrement, je n'avait jamais vu les choses de cette manière, et j'en suis navrée. Nous nous confortons dans ce que nous sommes, dans ce qui nous définit.

Elle marqua un silence et leva quelques instants son regard vers le ciel.

-On se fait du mal mais...

Elle baissa doucement le visage.

-Il faut aider ton père. Je veux t'aider, t'aider à l'aider lui-même. T'aider à le sauver. Sans lui je ne serais rien... Nous ne serions rien que de simples humains inutiles. Il a tout créé, il a fait évoluer le monde...

Un étrange sourire se dessina sur le visage de Calypso. Jamais elle n'avait earboré un tel air.

-A deux contre une, ça devrait pouvoir fonctionner. Qu'en penses-tu?

Regard bienveillant : elle voulait aider Nix. Elle voulait aider Caliban car elle ne pouvait se résoudre à le voir disparaître. Qu'elle soit détruite par son Péché était une chose qui n'avait pas d'importance, que lui, Caliban, lui qui était à l'origine de tout, soit dévoré par son Péché était pour elle un véritable sacrilège.

-Jamais je ne vous abandonnerai.

Les lèvres chaudes de la Déesse de la Colère se posèrent sur le frond de Nix, dans un bref baiser plein de tendresse. Qu'elle l'aimait cette enfant, qu'elle l'aimait... Pour elle, Calypso serait véritablement capable de tout. De tout...

La jeune fille fronça vaguement les sourcils. Elle ne s'était pas rendue compte elle -même du poids de ses propres paroles. Alors, ils étaient tellement leurs Péchés, que tous avaient besoin de se perdre dans ce qu'ils étaient ? Au début, cela lui paraissait normal. Si logique, même, qu'elle ne devait pas s'en inquiéter. Mais, maintenant, si c'était l'Envie qui détruisait son père, la Colère pouvait très bien le faire avec Calypso, non ?

Cette histoire de Péchés pouvait donc devenir dangereuse, s'ils oubliaient qui ils étaient. Elle qui était de l'Orgueil sans le vouloir, peut-être qu'elle trouvait là un moyen de s'échapper de ce problème. A moins que l'on ne puisse pas fuir son propre Péché. Dès lors... et bien, cela en devenait très inquiétant. Mais non. La plupart des gens vivaient sans savoir quelle était leur tendance, et n'en mouraient pas. Ce n'était pas parce qu'ils avaient un tatouage sur la main qu'ils devenaient moins forts.

De retour entre les bras de sa grande soeur, elle faisait marcher son cerveau à plein régime, suite aux paroles de son aînée... D'accord, ils s'enfermaient dans ce qui les définissait. Et pas qu'eux, les élèves avaient parfois aussi cette même tendance. D'un côté, cela prouvait que les gens écoutaient son père sans vraiment y réfléchir, parce qu'ils sentaient à quel point il avait raison. De l'autre, si ces chemins déjà tracés qu'ils suivaient n'étaient pas les bons, que fallait-il faire ? Disparaître, comme sa mère ? Jouer sa propre mort et fuir cette situation imparfaite ? Nix trouvait qu'il y avait une sorte de lâcheté, dans ce départ de sa mère. D'un côté elle la comprenait parfaitement, avec ce regard que lui offrait cet instant, mais cela ne l'empêchait pas de trouver qu'il y avait probablement d'autres solutions que de tourner le dos au problème.

Oui, ils se faisaient du mal. Tous. Eva aussi, peut-être, si elle ne faisait plus attention à autre chose qu'à sa passion. Arrivée à un tel niveau, peut-être que la professeur de la Luxure se perdait aussi bien que son père, mais que cela ne se voyait pas aussi facilement. Peut-être. De là à ce que Nix ressente le moindre regret de ce qu'il s'était passé dans la soirée, nous en étions encore loin.

La jeune fille plongea son unique oeil dans le regard de la Colère, avec un sourire rassurant. Elle n'était plus en rogne contre Eva. Simplement parce que la professeur de la Luxure n'était plus dans son champ de vision, et qu'elle pouvait donc se permettre de souffler un peu. C'était une excellente chose, d'ailleurs. Il valait mieux souffler un peu, pour l'empêcher de jeter encore quelques couverts sur les autres.

Et puis, étrangement, Calypso avait une tendance à la calmer. Elles partageaient une telle complicité que l'enfant ne pouvait que se sentir bien avec elle. Oui, bon, elle était peut-être la seule de l'Ecole du Flux, et peut-être même du monde entier, à avoir ce sentiment.

-Oui... merci... On va l'aider. Il ne le sait pas, mais il le mérite.

Fallait-il aider Calypso, aussi, à ne pas se consumer dans sa propre rage ? C'était la question qui pouvait presque se lire dans cet oeil de nuit.

Elle se blottit un peu plus contre la Déesse de la Colère, avec un petit sourire innocent. Elle ne savait pas si Calypso avait besoin d'aide, non, mais... dans le doute, elle demeurerait sur ses gardes à ce sujet. Quoique, elle pouvait toujours poser la question discrètement. Sa soeur percerait probablement ses inquiétudes à jour, mais il valait mieux cela que de ne pas savoir si elle se sentait bien. Il valait mieux cela que de ne pas voir l'instant où elle perdrait pieds, comme son père.

-Toi, ça va, hein ?

Ca pouvait paraître étrange de les voir, là, toutes les deux comme ça. Personne n'arrivait à avoir cet effet sur Calypso -A part peut-être Caliban- et vice versa. Nix et elle étaient si proches, depuis toujours. Et pourtant, elles étaient si vives, si pleines d'énergie, de colère, de haine, mais ensemble, rien. C'était juste de la tendresse, comme si les flammes s'apaisaient le temps d'une étreinte.

Les mots de Nix touchaient toujours Calypso droit un plein coeur. Oui : Caliban méritait plus que nul autre qu'on lui vienne en aide. Il méritait plus que nul autre de vivre et de profiter pleinement de son existence. Lui, et Nix, méritaient cela.

Finalement, Nix posa une question à Calypso. Une question sur son propre état et dans l'oeil de sa petite soeur, la Déesse de la Colère put lire une certaine inquiétude. Si elle allait bien? Elle n'avait pas l'impression d'aller mal, bien au contraire. Est-ce-qu'elle se laissait dévorer par son Péché? Oui, sans doute, mais c'était une sensation qu'elle aimait.

Alors...

-Oui, ça va très bien ne t'inquiètes pas Nix.

Sourire rassurant, mais dans les yeux de Calypso, les flammes s'étaient complètement éteintes. Elle serra Nix dans ses bras, d'une étreinte si forte qu'elle lui fit presque mal. Jamais elle ne l'avait serrée si fort.

-Et je continuerai à aller bien...

Mais alors pourquoi la voix de Calypso semblait soudain brisée? Calypso ne voulait pas faire souffrir Nix et pourtant... Elle était, un peu plus à chaque seconde, en train de réaliser qu'elle risquait de lui faire du mal en continuant sur cette voie. Difficile de faire face à ces émotions. Difficile de surmonter son addiction par amour pour sa petite soeur.

Très, très difficile, et impossible pour l'instant.

Calypso prit une grande inspiration, soupira, puis d'un seul coup, se recula et regarda Nix avec un grand sourire avant de lui adresser un clin d'oeil.

-N'oublies pas que je suis Calypso et que rien ne me fait peur. Du moment que je peux continuer à exercer mon métier et aider les élèves à développer leur potentiel, tout va bien! Et puis, tant qu'il me reste quelques élèves sur lesquels je peux déverser ma Colère, il n'y a aucun risque pour que je pête les plombs!

Calypso essayait de rendre l'atmosphère plus légère, et de rendre la situation moins grave. Il était hors de question que Nix supporte le poids de Calypso en plus de celui de son père. Elle se redressa et s'étira de toute sa hauteur. Et quelle hauteur...

-Bon, reste à savoir comment nous allons procéder. Ton père ne voudra certainement pas que je me mêle de ses affaires. Concrètement, qu'est-ce-qu'on peut faire Nix?

La véritable question était là : Comment allaient-elles réussir à aider Caliban, à le sortir de cette impasse?

Ne pas s'inquiéter ? C'était facile à dire, mais de là à pouvoir le faire. Cette histoire avait quelque chose de vaguement inquiétant, oui, au moins. Et encore, c'était un petit mot. Nix ne pouvait pas s'empêcher de froncer les sourcils, là, à penser que, peut-être, sans qu'elle s'en rende compte, sa sœur était en train de se faire du mal. Parce qu'après tout, son père ne se rendait compte de rien. Vraiment, pour lui, tout paraissait normal. Il se détruisait, oui, mais de manière inconsciente. Du moins, il n'avait pas l'air de vouloir sa propre mort. Il avait l'air de se laisser tomber dans le vide.

Mais à quel moment perdait-on réellement pied, quand on devait être un Péché ? A quel moment Hypnos, par exemple, avait-elle oublié d'avoir une vie autre que celle d'un être endormi ? Oui, d'ailleurs, la professeur de la Paresse qu'elle ne connaissait qu'à peine était un excellent exemple, elle aussi, de la perte de limites. Enfermée dans sa chambre... volontairement, oui, mais enfermée quand même, elle ne se servait de son pouvoir que pour pouvoir dormir un peu plus. Comme si le monde entier ne devait se diriger que vers ce but ultime, vers le sommeil, vers la Paresse. Hypnos, donc, s'était auto-détruite, effaçant l'être qu'elle devait être à la base, en jouant son rôle à la perfection.

Et si Calypso ne devenait plus que des flammes ?

L'étreinte avait quelque chose de douloureux pour la jeune fille, mais, étrangement, cela lui fit du bien de se sentir aussi proche de sa soeur. Elle referma ses fins poignets sur la robe de la jeune femme, les yeux mi-clos. Oui, tout irait bien, parce qu'elles connaissaient les risques. Parce qu'elle demeurerait suffisamment attentive au bien être de la Colère. Et puis sa grande sœur se reprit, laissant la jeune fille infiniment perplexe pendant quelques instants. Elle lui sourit, doucement, avec un air presque sadique. Oui, bon, tant qu'elle pourrait se défouler, il n'y aurait pas de risque... du moins, on pouvait s'accorder le droit de l'espérer, désormais.

-Oui, faudra d'ailleurs faire payer à Valentin.

Histoire d'avoir quelqu'un contre qui s'énerver. C'était probablement injuste pour le garçon - en même temps, fallait suivre ses études comme il le fallait, hein, il n'allait pas se plaindre - mais Nix venait de le désigner comme victime des énervements de sa sœur. De toutes manières, ce garçon lui tapait aussi sur les nerfs, avec ses airs malsains et sa tendance à ne pas écouter son père.

Calyso redressée, elle était bien plus grande que la jeune fille, mais Nix ne complexait pas sur sa taille. Nix ne complexait pas, d'ailleurs, mais c'était là une autre histoire. La demoiselle fronça un peu les sourcils. Oui, la question était là : comment aider son père ?

-Je crois que...

Elle passa sa main contre ses propres lèvres, l'air pensive, puis :

-... je crois que si, déjà, on arrivait à le soutenir pour des trucs bateaux, mais... Attends, j'arrive pas à m'exprimer avec tout ça.

Elle attrapa une de ses mèches d'or.

-C'est comme... non.

Et bien, voilà qu'elle avait des difficultés pour livrer ses pensées.

-Avant de chercher un truc précis, je sais que mon père se livre à son Péché tout le temps. Il est tout le temps jaloux, par exemple. Alors, si on arrive à lui assurer que ce qu'il fait, c'est très bien... même pour des petits trucs. Bah je pense que ça peut l'aider.

Son oeil, incertain, vint chercher l'avis de sa sœur. En fait... elle ne faisait que supposer jusqu'ici.

Valentin...

Ah, ce cher Valentin. Il était clair qu'il fallait bien passer ses nerfs sur quelqu'un, et que Nix ait envie de faire payer sa désinvolture à ce garçon méprisable ne pouvait que ravir Calypso. Oh, qu'elle était fière de Nix. Oh oui! Sur bon nombres de points, elles avaient toujours été sur la même longueur d'ondes et qu'il en soit toujours ainsi encore aujourd'hui, faisait énormément plaisir à Calypso. Une petite étincelle s'éveilla dans le regard de la Déesse de la Colère.

Finalement, elles en revinrent au sujet initial : Caliban, et comment l'aider. Nix semblait avoir du mal à s'exprimer et c'est pour cela que Calypso resta silencieuse, le temps que sa petite soeur remette ses idées en place et qu'elle les libre à Caly'. Calypso croisa les bras, ce qui lui donna un air encore plus imposant, et entra dans ce qui semblait être une profonde réflexion.

Prouver à Caliban que ce qu'il faisait était très bien. Oui. C'était faisable.

-Eh bien pour cela, il suffit de lui montrer ce que sont devenus certains élèves, et avec quel brio ils font le Mal, grâce à son enseignement.

Elle marqua un silence et porta son index à ses lèvres flamboyantes.

-Oui, cela pourrait être un bon début. Il suffit de trouver des exemples... Il faudrait qu'on puisse fouiller dans les archives et retrouver des anciens élèves qui ony réussis. Ca doit être faisable, j'en suis persuadée. L'enseignement de Caliban a façonné des êtres intéressants.

Elle fit quelques pas. Elle était véritablement décidée.

-L'Ecole en elle-même est une réussite incontestable. Et puis je ne manquerai pas de lui rappeler que c'est grâce à lui que je suis devenue ce que je suis aujourd'hui. Sans son enseignement, je n'aurais jamais...

Tué l'ancien Professeur pour prendre sa place. Nouveau sourire sombre mais nostalgique.

-Alors, qu'en penses-tu? Et puis...

Elle marqua un silence : Son visage se durcit alors et ses traits se firent plus sévères et bien plus sombres.

-Il faudrait éloigner Eva... En tout cas essayer des les éloigner l'un de l'autre. Si elle a à ce point une influence désastreuse sur lui, il faut trouver un moyen...

Et ça n'allait pas être simple. Faire des recherches pour prouver à Caliban qu'il avait su crééer de véritables génies du mal, ça, c'était largement faisable. Mais éloigner Eva du Directeur, ça...

Décidément, Calypso avait la tête plus froide qu'elle - si c'était possible, roooh - . Elle parvenait avec justesse à prononcer des idées qui étaient excellentes, pour sauver son père. Des idées qui pouvaient au moins l'aider à se rendre compte qu'il n'était pas un échec, mais le facteur de nombreuses réussites. Et que, petit à petit, les génies qui étaient sortis de cette Ecole allaient fondre une nouvelle réalité, un endroit... plus juste, en quelque sorte. Tous créations de Caliban, ils pouvaient être les maîtres de ce monde.

Enfin, pour cela, il fallait garder en tête leur maître à tous, celui qui devenait le phare de ce mouvement étrange et lugubre, son père. Leur père, d'ailleurs. Elle sentait bien que Calypso comprenait cela. Et elle remerciait intérieurement sa soeur, dès ses premiers mots, d'avoir de telles pensées. Nix était peut-être trop impliquée dans son amour pour son père pour avoir les pensées froides et logiques.

Son visage s'illuminait au fur et à mesure des paroles de Calypso. Oui, ce plan était parfait. Tant et si bien que la demoiselle bondit dans les bras de sa soeur pour la serrer contre elle, en s'exclamant :

-C'est génial !

Oui, ça l'était.

-Je me souviens presque de chaque élève et de chaque fiche de scolarité. Faut juste qu'on sélectionne ceux qui, d'après nous, pourraient avoir le mieux réussi. Ensuit, j'irai chercher des informations dans le bureau de mon père. On devrait trouver quelques numéros de téléphone suffisant pour les contacter.

Oh là, se rendait-elle seulement compte que ce qu'elle proposait risquait de déplaire fortement à son père, s'il la prenait en train de fouiller dans ses affaires ?

-On devrait réussir à se souvenir de ceux qui étaient vraiment bons, quand tu étais élève. J'ai un peu de mal avec les premières promotions, j'étais un peu petite.

Non, sans blague ? Elle était toute petite, oui, quand elle avait rencontré Calypso pour la première fois. C'était bien normal de ne pas avoir bien enregistré toutes les têtes des premières années de l'Ecole du Flux.

-Enfin, tout ça, on peut faire !

La jeune fille relâcha son étreinte autour de sa soeur. Par contre, éloigner Eva de son père, cela s'approchait plus de la mission impossible. La Luxure et l'Envie se répondaient sensiblement en écho, et elle n'avait pas besoin d'imaginer ce que son père et cette pétasse faisaient dans l'intimité pour le savoir. Cela ne faisait qu'augmenter la colère de la demoiselle, d'ailleurs, de se sentir incapable de faire quoi que ce soit contre un tel rapport entre eux deux. Ils s'attiraient... Et, sans prévenir, sans peut-être s'en rendre compte immédiatement, elle parla d'une personne qu'elle n'évoquait que très rarement...

-Maman... c'est la seule qui aurait pu éloigner Eva de lui.

Le visage de la jeune fille s'était considérablement assombri.

Nix semblait apprécier le plan de Calypso : Cette dernière en était pour le moins ravie. Toutes les deux réunies, elles allaient réussir à le sauver, elles allaient parvenir à leurs fins : Elles allaient y arriver! Calypso en était persuadée et plus les secondes passaient, et plus une étrange sensation l'envahissait. Son désir de sauver Caliban grandissait et des visages, un tas de visages d'anciens élèves défilaient devant ses yeux.

-Nous sommes donc d'accord. Cela ne devrait pas prendre trop de temps...

Son esprit bouillonnait et il se figea lorsque Nix parla de sa mère. Elle était apparemment la seule à pouvoir éloigner Eva? Ca, c'était loin d'être une bonne chose. Si elle était la seule à avoir ce pouvoir, Calypso et Nix allaient donc rencontrer un obstacle sévère.

En voyant la mine de Nix s'assombrir, Calypos posa sa grande main sur son épaule.

-On essayera de trouver un autre moyen... Les accidents sont si vite arrivés...

Calypso était-elle en train de sous-entendre qu'elle irait jusqu'à se débarasser d'Eva? Cela ne faisait aucun doute. Elle était sa collègue, et n'avait rien de spécial contre elle, mais si c'était là la seule chose à faire pour sauver Caliban de ses griffes, elle n'hésiterait pas. C'était Caliban et le Val avant tout!

-Nous allons y arriver, je t'en fais la promesse.

Calypso était plus jamais décidée. Elle retira la main de l'épaule de Nix et fit les cent pas devant la fontaine. Elle semblait en proie à une profonde réfléxion. Sans doute réfléchissait-elle au moyen de se débarasser d'Eva. Ca allait être très difficile.

-D'abord, on va réunir les anciens élèves. Pour Eva, on va voir par la suite. On ne peut pas tout faire et surtout, on ne peut pas faire n'importe quoi. Ton père ne doit pas savoir ce que nous préparons. Je pense que dans l'état dans lequel il est, il ne le comprendrait absolument pas...

C'était clair et net qu'elles ne pouvaient pas se permettre de laisser la moindre petite information remonter jusqu'à Caliban. S'il savait qu'elles étaient prêtes à tuer Eva... Elle posa ses mains sur les joues de Nix et déposa un tendre baiser sur son front. Il n'y avait décidément qu'avec elle que Calypso montrait tant de tendresse.

-Les choses vont s'arranger.

Elle esquissa un sourire aussi réconfortant que possible.

-Tu devrais aller te reposer et moi aussi. Ca va être une longue journée demain. Nous n'avons qu'à nous retrouver après les cours demain soir. Nous commencerons les recherches.

Elle marqua un petit silence et esquissa un sourire en coin.

-Ne fais pas trop de misères aux nouveaux arrivants, d'accord?

Elle accompagna ces mots d'un petit clin d'oeil complice.

-Bonne nuit Nix...

Et sur ces derniers mots, la Déesse de la Colère s'éloigna en direction de ses appartements. Cette année allait vraiment être différente des autres.

[Voilààààà ^^]

» [Libre] Par une nuit sans lune...